09/12/16

Nouvelle adaptation de la loi sur la continuité des entreprises : Accord collectif et appel du jugement d’homologation d…

La loi sur la continuité des entreprises (LCE) a, une fois de plus, fait l’objet d’une modification législative et ce afin de mettre un terme à la différence de traitement mise en avant par la cour constitutionnelle, dans son arrêt n°57/2015, découlant de l’article 56 alinéa 2.

Parmi les différentes procédures de réorganisation judiciaire mises en place par la LCE, l’accord collectif, et plus particulièrement l’article 56 de la LCE, visant les parties contre lesquelles doit être formé l’appel d’un jugement d’homologation se rapportant au plan de redressement, a fait l’objet qu’une question préjudicielle par la cour d’appel de Mons.

Pour rappel, lors d’une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif, le débiteur est tenu d’élaborer, durant le sursis qui lui est accordé, un plan de réorganisation (également dénommé « plan de redressement »), qui sera ensuite soumis au vote des créanciers.

Dans l’hypothèse où le plan de réorganisation obtient un vote favorable de la majorité des créanciers (représentant par leurs créances non-contestées ou provisoirement admises, la moitié de toutes les sommes dues en principal), ce dernier sera ensuite soumis à l’homologation du tribunal, qui pourra refuser de procéder à ladite homologation, si ce dernier est contraire à la loi ou l’ordre public.

Avant la modification législative, intervenue au travers de la loi du 16 juin 2016 et entrée en vigueur le 18 juillet 2016 modifiant l’article 56 alinéa 2 de la LCE, le créancier qui désirait former un appel contre le jugement qui accordait l’homologation du plan de réorganisation devait se limiter à introduire son appel contre le seul débiteur, alors que, si une partie désirait former un appel contre le jugement qui refusait une homologation du plan de réorganisation, cette partie était tenue de former son appel contre toutes les parties qui étaient intervenues devant le tribunal.

La rédaction de l’ancien article 56 alinéa 2, avait pour effet de créer une situation d’insécurité juridique mettant en péril le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet un jugement portant homologation d’un plan de réorganisation pouvait  d’une part être passé en force de chose jugée à l’égard de certains créanciers, et d’autre part faire l’objet d’une procédure d’appel à l’égard d’un autre créancier.

Saisi de la question, quant à la violation des articles 10 et 11 de la constitution, ainsi que de l’article 1053 du code judiciaire par la cour d’appel de Mons, la cour constitutionnelle s’est prononcée, en substance, de la manière suivante : « l’article 56 alinéa 2 de la LCE, viole les article 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il n’impose pas que la partie qui interjette appel d’un jugement homologuant un plan de réorganisation judiciaire par accord collectif mette à la cause toutes les parties étant intervenues devant le tribunal de commerce alors même que ce litige est indivisible ».

A cet effet, la cour rappelle, entre autres, que « il serait en principe contraire à l’égalité des justiciables, parties dans une même procédure portée devant un même juge, de ne pas pouvoir bénéficier des mêmes garanties. ». « Que compte tenu de la nature indivisible du litige, il y a lieu de veiller à ce que l’exercice d’une voie de recours, comme l’appel, n’aboutisse pas à faire coexister des décisions de justices coulées en force de chose jugée et inconciliables, ce qui mettrait à mal les principes d’autorité de chose jugée et de sécurité juridique ». Que « la simple possibilité laissée à la cour d’appel de prendre en compte l’ensemble des créances affectées par le plan de réorganisation judiciaire est impuissant à prévenir ou à réparer l’atteinte portées aux principes de l’autorité de la chose jugée et de la sécurité juridique » (1)

Sur cette base et afin de régulariser la situation dans un souci de sécurité juridique et d’égalité de traitement, le législateur est intervenu en modifiant, avec effet à dater du 18 juillet 2016, le contenu de l’article 56 alinéa 2, en vue de prévoir que  l’appel dirigé contre un jugement portant homologation du plan de réorganisation doit être introduit, par voie de requête, contre toutes les parties qui sont intervenues à la cause, et ce comme c’était déjà le cas lorsque l’appel visait un jugement refusant l’homologation.


Auteur:
Cindy Torino
Legal Consultant
ctorino@deloitte.com

(1) Arrêt n°57/2015 du 7 mai 2015 – Numéro du rôle : 5904

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