10/05/12

LA LOI SUR LA CONTINUITE DES ENTREPRISES ? UN OUTIL ANTI-FAILLITE MULTI OPTIONS !

Votre entreprise connaît des arriérés O.N.S.S. et T.V.A. inquiétants ? Les banques menacent de dénoncer les crédits ? La trésorerie de votre entreprise n'est pas suffisante pour faire face aux besoins ? Vos fournisseurs ne vous font plus confiance ? Vos créanciers menacent de pratiquer des saisies ? Le secteur de votre entreprise est en crise?
Si l'un (ou plusieurs) de ces clignotants s'actionne, la continuité de votre entreprise peut être menacée. Que la menace soit imminente ou plus éloignée, il s'agira de réagir immédiatement afin d'éviter la faillite, dont les conséquences peuvent être lourdes : action en responsabilité contre les fondateurs et les administrateurs, action à l'encontre des éventuelles cautions, déconfitures en cascade des créanciers lésés, éventuelle poursuite du curateur en comblement de passif, image ternie...


Un « outil anti-faillite » à utiliser à temps

C'est précisément en vue d'éviter un tel scénario catastrophe que le législateur a doté l'arsenal juridique belge d'un nouvel « outil anti-faillite » à l'attention des ‘entreprises' (cette notion étant entendue au sens large et visant tout aussi bien la société unipersonnelle, la PME ou la grande entreprise).

La loi sur la continuité des entreprises offre la possibilité aux entreprises de se réorganiser pendant un délai de « sursis » (véritable « temps mort » qui met l'entreprise à l'abri de ses créanciers) durant lequel l'organe de gestion garde la maîtrise de son entreprise.
Concrètement, il suffit pour l'entreprise en difficulté de déposer un dossier au greffe du Tribunal de Commerce (comprenant notamment les deux derniers comptes annuels et une situation comptable récente, une liste des créanciers, etc.) et de démontrer l'existence d'une menace (à bref délai ou à terme) pour sa continuité.

L'approche « portail » de la loi : trois options, mais laquelle choisir ?

Selon les propres mots du législateur, un « portail » s'ouvre à l'entreprise en difficulté, qui devra choisir entre trois options afin de se réorganiser durant le délai de sursis octroyé. Il s'avèrera crucial -que le délai de sursis soit d'un ou de six mois- de prendre immédiatement les mesures de réorganisation qui s'imposent et de les présenter de manière constructive aux créanciers. En effet, il conviendra de rassurer et de convaincre ses créanciers quant à la réelle volonté de continuité.

  • La conclusion d'un accord amiable avec deux ou plusieurs créanciers. 

La première option prévue par le législateur consiste pour l'entreprise en difficulté à conclure un accord amiable avec au moins deux créanciers.
Ces accords pourront par exemple prévoir le rééchelonnement de paiement d'une dette, la révision des taux d'intérêts contractuellement prévus, une mise en hypothèque au profit du créancier, la subordination d'une créance, la révision des conditions d'un contrat... bref, l'entreprise en difficulté et son cocontractant pourront s'entendre sur la révision de modalités contractuelles et les formaliser dans un accord.

La conclusion de tels accords amiables est facilitée par au moins deux mécanismes. Premièrement, la société en difficulté pourra mettre à profit le sursis afin de négocier sereinement à l'abri de ses créanciers qui ne pourront pas pratiquer de saisies ni mettre en œuvre des menaces d'exécution. Deuxièmement, le cocontractant (créancier) sera plus enclin à conclure un tel accord dans le cadre d'une procédure en réorganisation judiciaire, puisqu'en cas de faillite subséquente, cet accord ne pourra pas être remis en question par le curateur.

Cette première option sera par exemple adéquate dans le cas d'une entreprise ayant peu de créanciers avec lesquels un accord se doit absolument d'être trouvé, notamment les créanciers indispensables à la poursuite de l'activité, ou bien dans le cas d'une entreprise qui pourra faire face à la plupart de ses créanciers dès la fin du sursis.

  • La conclusion d'un accord collectif avec l'ensemble des ses créanciers 

La seconde option retenue par le législateur s'apparente à un Chapter 11 à la belge. Cette procédure, consiste principalement pour l'entreprise en difficulté à soumettre un plan de réorganisation judiciaire au vote de l'ensemble de ses créanciers.

Ce plan devra contenir, d'une part, une description des moyens à mettre en œuvre pour remédier aux difficultés (financières ou encore structurelles) de l'entreprise, et, d'autre part, les mesures à prendre pour désintéresser les créanciers. A cette fin, l'entreprise en difficulté pourra notamment prévoir d'imposer d'importants abandons de créance à ses créanciers ainsi qu'un rééchelonnement des paiements jusqu'à cinq ans au maximum. Le plan est soumis à peu de formalisme et « passera » si la majorité des créanciers vote en sa faveur.

Cette option s'appliquera donc principalement à l'entreprise qui se trouve face à un nombre important de créanciers ou bien avec lesquels aucun accord amiable n'a pu être trouvé.

  • Le transfert total ou partiel, sous autorité de justice, de l'entreprise ou de ses activités

La troisième option est celle du transfert d'entreprise sous supervision judiciaire. L'objectif est ainsi de maintenir l'activité (partielle) et le taux d'emploi le plus élevé possible. Ce transfert pourra être sollicité par l'entreprise en difficulté elle-même mais également par les tiers (un créancier par exemple). Cette faculté offerte aux tiers est assez méconnue, ce qui est regrettable.

Cette option pourra être choisie si l'entreprise (ou une partie de celle-ci) est encore viable ou dispose d'actifs valorisables. Elle peut être envisagée dès le départ ou bien s'imposer ensuite en cas d'échec d'une ou des options précédentes.

Passerelles et combinaisons possibles entre les trois options

S'il est possible de passer d'une option à l'autre, théoriquement de l'option 1 à 2 et ensuite à l'option 3, il est également possible de les combiner.

Par exemple, il est possible de transférer une partie de l'entreprise sous autorité de justice et de réaliser un accord collectif en parallèle ou encore de réaliser un accord amiable avec au moins deux créanciers et un accord collectif avec les autres.

Conclusion

Le législateur offre un outil efficace aux entreprises en difficulté, et ce, dans le contexte d'une crise sans précédent. Il mérite sa place dans le paysage économique et gagne à être connu. L'essentiel sera toutefois d'y recourir suffisamment tôt, sans honte, afin que davantage d'entreprises puissent s'inscrire dans une continuité tant juridique qu'économique. L'utilisation efficace et à bon escient de la procédure en réorganisation judiciaire devrait contribuer, à terme (la loi devant être mieux connue), à éloigner le spectre de la fatalité de la faillite.

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