02/09/21

Cochez toutes les cases pour vos contrats de distribution

Imaginez…

En tant que fabricant, vous avez constitué ces dernières années un impressionnant réseau de distributeurs indépendants. Cependant, vous constatez que vos concurrents sont de plus en plus nombreux à ouvrir leurs propres magasins et à vendre directement via leur propre site web. Cela peut se comprendre. Cette manière de procéder offre en effet aux clients davantage de choix et permet de montrer à leurs distributeurs le bon exemple. Le magasin et le site web du fabricant deviennent ainsi le point de référence de ce qu'ils attendent de leurs distributeurs.

Vous voulez suivre cet exemple et vous avez déjà tout mis en place pour vous lancer dans cette telle distribution dit « duale ». Des échos inquiétants vous reviennent toutefois de toutes parts. En raison de la croissance des ventes en ligne, la distribution duale a fortement augmenté et, apparemment, la Commission européenne semble très préoccupée par cette évolution. La Commission européenne entendrait à l’avenir soumettre la distribution duale à des conditions supplémentaires, ce qui rendrait plus difficile le bénéfice de l'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux.

Vous vous êtes à présent familiarisé avec l'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux. Vous savez qu'elle vous aide à rendre vos accords de distribution juridiquement valables. Mais vous ne comprenez pas vraiment pourquoi votre passage vers la distribution duale pourrait poser le moindre problème à cet égard. Vous pensiez précisément que l’inverse était vrai, et que la distribution duale était bénéfique à la concurrence. En effet, la présence de votre propre magasin et de votre propre site web augmentera, et non réduira, la concurrence sur le marché. N’auriez-vous pas été assez attentif pendant le cours d'économie ? Vous ne voulez pas que le travail déjà fourni et l'argent dépensé soit jeté à la poubelle à cause de quelques rumeurs. Vous vous tournez alors vers votre avocat.


Quelques précisions.

Les entreprises veulent être certaines que leurs contrats de distribution sont compatibles avec le droit de la concurrence. En effet, les clauses contenant des restrictions non autorisées ne peuvent pas être mises en œuvre. Pire, pour certaines de ces clauses, une entreprise peut même encourir une amende. Il est donc très important qu'une entreprise ne soit pas en porte à faux par rapport au droit de la concurrence. Mais comment faire?

Une première méthode implique que l'entreprise évalue elle-même si ses contrats de distribution sont compatibles avec le droit de la concurrence. Cela nécessite une auto-analyse qui, dans la pratique, n’offre que peu de garanties.

Heureusement, il existe une méthode moins risquée, qui apporte davantage de certitudes. Les entreprises peuvent recourir à un règlement d'exemption par catégorie de la Commission européenne qui s'applique spécifiquement aux contrats de distribution. L'application de cette exemption par catégorie ne nécessite qu'un exercice de « Tick the box ». Certaines conditions d'application doivent être remplies ; un certain seuil de parts de marché ne doit pas être dépassé (30%) ; et certaines clauses doivent être évitées.

Si toutes les « cases » ont été cochées avec succès, les clauses du contrat de distribution sont en ligne avec l'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux. Dans ce cas, vous et votre entreprise pouvez en principe dormir sur vos deux oreilles. Aucune autre analyse n’est requise. Votre accord bénéficie automatiquement d'une exemption et ne soulève aucune difficulté au regard du droit de la concurrence.

Mais que donne l'exercice du « Tick the box » appliqué à la distribution duale ? Après tout, c'est ce dont les rumeurs parlent.

L'une des « cases » qu'une entreprise doit pouvoir cocher est que le contrat de distribution ne peut pas être conclu entre des entreprises concurrentes. Faut-il en conclure que notre ambitieux fabricant perd donc automatiquement le bénéfice de l'exemption lorsqu'il commence à faire concurrence à ses distributeurs par le biais de son propre magasin ou de son site web ? Non, l'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux prévoit une exemption pour la distribution duale. Elle est toutefois conditionnée à ce que le distributeur indépendant, avec lequel le contrat de distribution est conclu, ne soit pas un fabricant concurrent. Dès lors, tant que seul le fournisseur fabrique les produits en question, il n'y a pas de problème.

Cette exemption, que de nombreux fabricants utilisent aujourd'hui, fait actuellement l’objet de discussions. L'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux actuellement en vigueur expirera le 31 mai 2022. Durant le processus de révision, la Commission européenne a en effet exprimé ses préoccupations quant aux éventuelles conséquences négatives de la distribution duale sur le droit de la concurrence. Elle craint plus précisément que le fournisseur et le distributeur (qui sont donc des concurrents lorsqu'ils vendent aux clients finaux) échangent des informations commerciales sensibles, telles que des informations sur les prix, les promotions ou les clients, et coordonnent ainsi leur comportement sur le marché.

Afin de contenir ces effets anticoncurrentiels, la Commission européenne a inclus une condition supplémentaire dans le projet de texte. Les producteurs (et dorénavant aussi les importateurs et les grossistes) devront être en mesure de cocher une « case » supplémentaire.

Dans une situation de distribution duale, si le fournisseur et le distributeur détiennent une part de marché cumulée de plus de 10 %, ils devront respecter des règles spécifiques concernant les échanges d'informations entre eux. On ne sait pas encore quelles seront ces règles, applicables à compter de juin 2022. La Commission européenne renvoie à cet égard à d'autres règlements dans lesquels le sujet sera traité à l'avenir.

La situation n'est donc pas claire à l'heure actuelle, ce qui signifie que l’incertitude règne. En tout état de cause, la Commission européenne peut s'attendre à de nombreuses réactions suite à sa proposition concernant la distribution duale. Le message est donc de ne pas paniquer et d'attendre de voir ce que les textes finaux contiendront. Toutefois, il est préférable de suivre cette évolution de près.


Concrètement

  • Les contrats de distribution contiennent souvent toutes sortes de restrictions : approvisionnement exclusif, clauses de non-concurrence, restrictions territoriales, restrictions de clientèle, etc.
  • Si vous utilisez de telles restrictions dans votre contrat de distribution, vous devrez toujours vérifier si elles sont compatibles avec le droit de la concurrence.
  • Un instrument particulièrement important pour mener un tel examen est le règlement européen d'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux (Règlement n° 330/2010). Cette exemption par catégorie expirera le 31 mai 2022 et son successeur est en cours de préparation.
  • L'une des modifications les plus frappantes qui ressort des premiers projets de la Commission européenne concerne la distribution duale. La distribution duale est la formule par laquelle le fournisseur (fabricant, importateur, grossiste) est, pour le client final, en concurrence avec les distributeurs indépendants qu'il approvisionne.
  • C'est surtout la question de l'échange d'informations dans la distribution duale qui semble poser problème.
  • Il reste à voir si cette approche plus stricte sera maintenue dans les textes qui seront adoptés. Si tel est le cas, il sera important de vérifier minutieusement si vos contrats de distribution sont conformes aux nouvelles règles.

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