16/10/19

Sanction pour licenciement sans lettre recommandée - formalisme exagéré ?

Si un employé, conformément à la CCT n° 109, sollicite de connaître les raisons concrètes de son licenciement par courrier recommandé, l'employeur doit fournir ces raisons via courrier recommandé également. Si la communication a été faite par un autre biais, l'employé peut réclamer le paiement d'une amende forfaitaire. Ceci n’est pas constitutif d’un abus de droit.

Le 17 mai 2019, la Cour du travail de Bruxelles a rendu un arrêt à propos d’un litige relatif aux exigences formelles de la justification du licenciement par l'employeur dans le cadre de la CCT n° 109. Lors du licenciement du travailleur, il avait été indiqué que son "profil ne répondait plus aux exigences du poste". Conformément à la procédure prévue par la CCT n° 109, le travailleur demande alors par courrier recommandée les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement. L'employeur communique alors ces motifs par courriel. L'article 5 de la CCT n°109 exige toutefois la réunion de trois conditions que l'employeur doit rencontrer lorsqu'il expose les motifs du licenciement :

  • La notification doit être faite par lettre recommandée.
     
  • Cette lettre recommandée doit être envoyée dans les 2 mois suivant la réception de la lettre recommandée contenant la demande du travailleur.
     
  • La lettre recommandée doit contenir les éléments qui permettent au travailleur de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement.

Etant donné que la notification, bien qu’effectuée dans le délai de deux mois, n'a pas été faite par courrier recommandé, l'employé réclame le paiement d'une amende civile forfaitaire équivalant à deux semaines de salaire, ainsi qu’il est prévu à l'article 7 de la CCT n° 109, en raison de l’irrégularité de la notification.

L'employeur introduit une demande reconventionnelle sur base de l'abus de droit, étant donné qu’il a bel et bien communiqué les raisons concrètes et que le travailleur en a effectivement pris connaissance. L'employeur se fonde ici sur un point de vue contesté dans la doctrine suivant lequel la réclamation d’une telle amende par le travailleur, lorsqu'il reconnaît avoir pris connaissance du motif du licenciement d'une autre manière, constitue un abus de droit. L’employeur se réfère également au but de la CCT, qu'il considère comme atteint et renvoie au rapport du Conseil National du Travail introduisant la CCT, lequel indique, selon lui, que l'objet de cette CCT est précisément d'éviter les poursuites judiciaires.

La Cour du travail réfute ce dernier argument, le rapport du CNT ne mentionnant l'évitement des poursuites judiciaires uniquement lorsque le licenciement est contesté, ce qui n'est pas le cas en l’espèce. La Cour du travail expose néanmoins que la CCT n° 109 n'a pas pour objet d'imposer un cadre trop formaliste. Cette CCT permet en effet également à l'employeur de communiquer les motifs concrets de sa propre initiative (par exemple, lors du licenciement ou peu après celui-ci). Dans ce cas, les exigences formelles ne s'appliquent pas. Le fait que, dans le cas d’espèce, l'employeur n'ait pas communiqué les raisons concrètes de son propre chef (la raison suivant laquelle “le profil ne répondait plus aux exigences de l'emploi" n'est pas suffisamment concrète), mais que l'employé ait bien formulé une demande par courrier recommandé, signifie qu'il ne peut y avoir de dérogation aux exigences formelles pour l'employeur. La communication devait bien se faire par lettre recommandée.

L'abus de droit peut être invoqué lorsque l'invocation d'un droit constitue un abus manifeste. Étant donné que l'employé se contente d’invoquer une règle voulue par les partenaires sociaux, il n'est pas question d'abus manifeste. La Cour du travail condamne donc l'employeur à payer l'amende forfaitaire au travailleur.

dotted_texture