25/10/10

Le décret de gestion des sols en Wallonie; promulgué, en vigueur, opérationnel, applicable et, finalement, appliqué ?

En Région wallonne, ce sont sans doute les vicissitudes de la réglementation de l’assainissement des sols qui sont les plus symptomatiques de la piètre légistique qui, régulièrement, parasite le droit de l’environnement et de l’urbanisme dans les différentes régions du pays. Adopté en 2004, le premier décret d’assainissement des sols n’est, faute d’arrêté d’exécution, jamais entré en vigueur. Quatre ans plus tard, le décret du 5 décembre 2008 de gestion des sols (ci-après; « le décret ») l’a intégralement remplacé. En raison de la publication défectueuse de ce décret, il aura ensuite fallu attendre le mois d’août … 2010 pour que sa date d’entrée en vigueur soit fixée de manière incontestable au 6 juin 2009. Adopté le 27 mai 2009 – à savoir, donc, avant l’entrée en vigueur du décret – son principal arrêté d’exécution renvoie lui-même à des measures d’exécution que l’on attend encore, comme l’important code wallon de bonnes pratiques. Enfin, faute d’élaboration, entre autres, de la banque de données des sols, l’article 21 du décret, qui constitue pourtant l’une de ses pierres angulaires, n’est pas encore entré en vigueur. Tout cela a amené l’administration à qualifier le décret, avec un vocabulaire original, de texte en vigueur, mais non opérationnel.

Dans sa déclaration de politique régionale 2009-2014, le gouvernement wallon a indiqué qu’il entendait « garantir les moyens humains et les outils nécessaires à la mise en application effective du décret sols » et « accorder toute la priorité nécessaire à la constitution de la banque de données de l’état des sols ».

Le décret-programme publié au Moniteur belge de ce 20 août a, par le biais de mesures transitoires, rendu le décret opérationnel, dans une certain mesure à tout le moins;

1) dans l’attente du code wallon de bonnes pratiques, soumettre spontanément à l’administration un projet d’assainissement n’était jusqu’alors pas envisageable. Ça l’est désormais pour les pollutions historiques, dans un cadre transitoire qui expirera avec l’adoption de ce code et le 31 décembre 2010 au plus tard. Ce cadre fixe le contenu type d’un projet d’assainissement; à chacun de se faire une opinion sur la rigueur de ce contenu par rapport à celle qui découlera du futur code;

2) sans expert et sans laboratoire agréés dans le respect du décret, aucune étude d’orientation ou de caractérisation, aucun projet d’assainissement et aucun travail d’assainissement ne peut être réalisé valablement. Le décret-programme permet d’assimiler à ces experts et laboratories ceux qui sont agréés sur la base de réglementations proches – à savoir, l’arrêté « stations-service » et la réglementation des déchets – et ce, jusqu’au 31 mars 2011;

3) pour permettre à l’administration de faire face aux demandes d’examen d’études d’orientation et de caractérisation qui vont lui être adressées, les délais qui lui sont impartis pour statuer sur ces études ont été allongés, pour autant que les demandes d’examen soient deposes respectivement avant le 31 mars et le 30 juin 2011.

Il ne s’agit là que de mesures transitoires. Leur effet cessera dans quelques mois. Le décret redeviendra alors, dans une grande mesure, non opérationnel à défaut d’adoption, d’ici là, des mesures d’exécution manquantes.

En tout état de cause, l’application concrète du décret dépendra évidemment en grande partie du mode de travail de l’administration. Notamment, sera-t-elle tentée – ou, plutôt, forcée – d’invoquer un manque de moyens ? Cela ne semble pas exclu.

Une fois le décret le cas échéant pleinement appliqué, il faudra également tenir compte du contentieux qui se développera à son sujet et de la jurisprudence qui en résultera, à propos, par exemple, du rapport – non éclair par le décret – entre un sol pollué et un déchet ou des liens à établir entre le décret et le régime de responsabilité environnementale inscrit aux articles D.93 et suivants du Livre Ier du Code de l’environnement.

Tout cela ne peut décidément pas être imputé au caractère « jeune et évolutif » du droit de l’environnement. D’autres, dans ce pays, ont d’ailleurs fait mieux – dans ce domaine s’entend – depuis près d’une quinzaine d’années déjà.

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