04/11/21

Surtout, ne les oublions pas !

Le mercredi 25 août 2021, le dernier C130 de notre armée décollait de Kaboul. Les Américains sont partis deux jours plus tard. Avec un certain fatalisme, le monde entier observait le départ des occidentaux de l’Afghanistan, laissant le pouvoir aux talibans sur la plus grande partie du territoire.

Si, dans un premier temps, les talibans ont voulu avoir un discours rassurant et présenter une image plus lisse que celle laissée avant l’invasion du pays par les forces occidentales, force est de constater que les faits démontrent bien le contraire : les droits humains les plus élémentaires ne sont absolument pas respectés. Ce n’est pas une surprise.

A cela s’ajoutent un conflit armé avec l’Etat Islamique et une crise humanitaire sans précédent dans le pays. Selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, publié il y a dix jours, la moitié des 40 millions d’Afghans est tout simplement menacée de famine.

Parmi les personnes qui ont pu s’enfuir, il y a un couple de confrères et leurs deux enfants. Leurs vies étaient en danger. Il est avocat depuis 2004, elle l’est depuis 2009. C’est en 2008 que le barreau afghan a pu prendre son indépendance par rapport à l’Etat. Le barreau a multiplié le nombre de ses membres par dix et s’est ouvert aux femmes.

Lui a été membre du conseil de l’Ordre et a collaboré à de nombreux projets avec l’OTAN ou l’armée belge. Elle a travaillé dans le domaine des violences intrafamiliales. Ils ont œuvré dans le cadre des droits humains dans leur pays. Ils étaient éligibles à une exfiltration de leur pays compte tenu notamment de cette collaboration mais aussi par ce qu’ils représentent pour le nouveau pouvoir en place.

Ils sont maintenant candidats réfugiés en Belgique où ils ne peuvent exercer leur métier.

Le conseil d’administration les a reçus pour entendre leurs témoignages et leurs demandes. Ils sont surtout inquiets pour leur pays : les facultés de droit sont fermées tout comme les tribunaux civils, les tribunaux pénaux sont exclusivement fondés sur la charia, les avocats sont sans possibilité de travailler et certains, compte tenu de leurs engagements, sont contraints de se cacher en permanence. L’Etat de droit est loin.

Ils demandent notre aide pour faire reconnaître un barreau indépendant dans leur pays qui puisse y porter la défense des droits humains.

Un an avant, le jeudi 27 août 2020, après 238 jours de grève de la faim, l'avocate turque Ebru Timtik est décédée dans un hôpital d'Istanbul. Elle avait été condamnée en 2019 à plus de 13 ans de prison pour « appartenance à une organisation terroriste ». Elle faisait grève, aux côtés de son confrère Aytac Ünsal, pour demander un procès « juste ».

Depuis 2011, de nombreux avocats turcs ont fait l’objet d’arrestations massives et de procès collectifs. Suite à la tentative de coup d’Etat en juillet 2016, le président Erdogan a restreint encore davantage les droits et libertés des avocats et autres défenseurs des droits de l’Homme. L’exercice de la profession d’avocat en Turquie est de plus en plus difficile. En soutien à nos confrères turcs injustement poursuivis et condamnés, une manifestation est organisée ce 16 novembre à Bruxelles. Soyons nombreux !

Ces confrères d’Afghanistan et de Turquie sont l’honneur de notre profession.

Surtout, ne les oublions pas !

Xavier Van Gils 
Président
AVOCATS.BE

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