08/06/18

Le dernier épisode du feuilleton « le serment des interprètes » est presque en vue

Le 28 juin 2017 l’Union professionnelle des traducteurs et interprètes assermentés (UPTIA) diffusait un communiqué de presse "La confusion autour de l'assermentation des interprètes pose un énorme problème pour la justice". Le lendemain, le Parquet du procureur du Roi d'Anvers a envoyé une (première) circulaire aux services de police au sujet du serment des interprètes. Le ministère public avait aussi constaté que le registre national n'est toujours pas opérationnel etqueles magistrats et les policiers sont obligés de faire appel actuellement à des interprètes qui doivent prêter le serment lors de chaque prestation.

Depuis, on invite les interprètes à prêter serment à deux reprises. Une première fois avant leur prestation (comme ils en avaient l'habitude), le serment abrogé 'Je jure de traduire fidèlement les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents.'. Et une seconde fois au terme de la prestation, "pour éviter d'éventuelles irrégularités", le serment repris à l'article 27 de la loi sur le registre national : 'Je jure avoir rempli ma mission avec exactitude et probité'. À cet égard, il a été perdu de vue que les interprètes prêtent serment oralement et le font habituellement avant le début de leurs prestations. Dans la pratique, il en a résulté de nombreuses difficultés, surtout lorsque l’interprète intervient à l‘audience.

Après un deuxième communiqué de presse dans lequel l'UPTIA a mis en garde contre les conséquences possibles de cette situation, la députée Sonja Becq (CD&V) a interpellé le 7 février 2018 le ministre de la Justice Koen Geens à propos du serment prêté par les interprètes et traducteurs judiciaires. Le ministre de la Justice a déclaré que toute personne inscrite au registre national, même dans le cadre de l'inscription provisoire jusqu'au 1er décembre 2021, ne doit pas prêter serment et qu’elle sera traitée comme si son inscription au registre était déjà devenue définitive.
 

Prestation de serment obligatoire lors de chaque prestation

Entre-temps, l'UPTIA s'est enquis de la prestation de serment devant le Collège des cours et tribunaux.  Pour le président de ce Collège, seuls ceux qui sont définitivement inscrits au registre national, donc ceux qui remplissent les conditions légales et sont assermentés par le premier président de la Cour d'appel, peuvent porter le titre de traducteur/interprète juré. Ils sont dispensés de prêter serment lors de chaque prestation.

Cela signifie qu'à l'heure actuelle, personne en Belgique n'est « assermenté » ou « juré » en permanence en tant que traducteur ou interprète ! Selon le Collège des cours et tribunaux une personne inscrite provisoirement au registre national ne peut utiliser le titre de traducteur ou d'interprète juré que pour une mission spécifique et doit prêter serment lors de chaque prestation. Même ceux qui ont prêté serment entre les mains d'un président du tribunal de première instance, sont donc désormais tenus de prêter serment lors de chaque mission.

Dans ses réponses aux questions parlementaires sur le sujet, le ministre de la Justice a affirmé que dans l'attente de leur évaluation par la commission d'agrément, les traducteurs et interprètes doivent prêter serment à chaque prestation. Le ministre Geens a finalement annoncé une modification de la loi, après laquelle la prestation de serment des interprètes se fera uniquement avant la prestation. La solution provisoire de prêter serment deux fois est trop compliquée.
 

Un sous-amendement suite à un avis de l'UPTIA

Le 8 mars 2018, un amendement en vue d'une modification de la loi a été déposé. Le législateur a décidé de prévoir dans la loi une formule de serment distincte pour les interprètes, d‘une part, et pour les traducteurs et traducteurs-interprètes, d‘autre part. Après avoir lu et analysé les amendements déposés, l'UPTIA a adressé un avis aux membres de la Commission de la Justice de la Chambre des représentants de Belgique. Après réception de cet avis de l'UPTIA, les auteurs des amendements ont ajouté le 27 mars 2018 un sous-amendement, en tenant compte de l'avis de l'UPTIA :

'Les traducteurs et traducteurs-interprètes jurés ne font jamais de rapport (écrit) d’une mission de traduction. Contrairement à un expert judiciaire, un traducteur, interprète ou traducteur-interprète juré n’est pas désigné pour aider un magistrat à rechercher les circonstances exactes et la vérité dans une affaire pénale. Par conséquent, le texte doit être modifié afin de remplacer le mot “rapport” par le mot “traduction”.'


La Justice, dans toutes ses composantes, doit s’exprimer de manière plus compréhensible

Lors de la discussion des amendements au sein de la Commission de la Justice, le député Stefaan Van Hecke (Ecolo-Groen) a proposé de modifier les termes de “in eer en geweten” par les termes “naar eer en geweten”, comme proposé par l’Union professionnelle des traducteurs et interprètes assermentés. C’est une meilleure formulation sur le plan linguistique.

L'auteur des amendements, Raf Terwingen (CD&V), a indiqué que cette expression “in eer en geweten” est reprise à de nombreux endroits dans la législation. Il était donc proposé de ne pas y toucher "pour éviter des discordances entre dispositions". Stefaan Van Hecke a néanmoins fait valoir que cela n’est pas une raison pour ne pas le corriger : "Si c’est une meilleure formulation, corrigeons le texte."

Par son projet 'Épices' 1), présenté au mois de mai, le Conseil supérieur de la Justice (CSJ) entend "mettre la clarté du langage au menu du judiciaire". Le Conseil supérieur appelle l’ensemble des professionnels du droit à y prêter attention dans leurs rapports avec le justiciable. Malheureusement, l’UPTIA constate que même le législateur n'accorde pas la priorité aux formulations linguistiquement correctes en langue néerlandaise.
 

Le changement de loi en termes concrets : 

Modification de la loi du 10 avril 2014 modifiant diverses dispositions en vue d'établir un registre national des experts judiciaires et établissant un registre national des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés :

                Dans l'article 27 de la loi du 10 avril 2014 modifiant diverses dispositions en vue d'établir un registre   national des experts judiciaires et établissant un registre national des traducteurs, interprètes et      traducteurs-interprètes jurés, l'alinéa 2 est remplacé par les alinéas suivants:

                "L'intéressé visé à l'alinéa 1er porte le titre de traducteur, interprète ou traducteur-interprète juré uniquement pour la mission qui lui a été confiée. 

                L'interprète ainsi désigné prête le serment suivant:

                "Ik zweer dat ik mijn opdracht in eer en geweten, nauwgezet en eerlijk zal vervullen", ou

                "Je jure que je remplirai ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité", ou

                "Ich schwöre, dass ich den mir erteilten Auftrag auf Ehre und Gewissen genau und ehrlich erfüllen werde".
 

                Le traducteur ou traducteur-interprète désigné signe sa traduction sous peine de nullité et fait précéder sa signature du serment suivant:

                "Ik zweer dat ik mijn opdracht in eer en geweten, nauwgezet en eerlijk vervuld heb", ou

                "Je jure avoir rempli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité", ou

                "Ich schwöre dass ich den mir erteilten Auftrag auf Ehre und Gewissen, genau und ehrlich erfült habe.".

Ce changement de loi et les nouvelles formules de sermententrent en vigueur le dixième jour suivant la publication de la 'Loi visant à réduire et redistribuer la charge de travail au sein de l'ordre judiciaire' 2)du 25 mai 2018 au Moniteur belge, à partir du 9 juin 2018.

Rappelons que la loi sur le registre national prévoit un serment, que l’interprète (ou le traducteur) devra prêter une seule fois (lors de l'inscription définitive au registre national) entre les mains du premier président de la cour d’appel du ressort du domicile ou de la résidence de l’interprète (ou du traducteur): 'Je jure que je remplirai ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité.' Assez curieusement, dans la formule néerlandaise il apparaît que l’ordre des mots est différente de celles des formules françaises et allemandes, et que de surcroît, malheureusement dans la version néerlandaise, y figure également la formulation linguistiquement erronée "in eer en en geweten".

1) http://www.hrj.be/fr/content/communique-de-presse-la-justice-dans-toutes-ses-composantes-doit-s-exprimer-de-maniere-plus-

2) http://www.ejustice.just.fgov.be/eli/loi/2018/05/25/2018031110/moniteur

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