22/12/11

Les nouvelles règles européennes sur les services d’intérêt économique général (SIEG)

1. Introduction

1.- La Commission européenne a adopté ce 20 décembre 2011 un nouveau paquet de règles en matière d'aides d'Etat en vue de l'appréciation des compensations de services d'intérêt économique général (SIEG) qui couvrent une palette de services tels que par exemple des grands services commerciaux (la collecte, le transport et la distribution du courrier, la fourniture d'énergie électrique, la distribution d'eau, la fourniture de prestations de services dans le domaine des télécommunications), des services sociaux (logement, établissement pour personnes âgées) en passant par les services culturels (théâtre, festivals).

Selon la Commission européenne, ces nouvelles règles aurait pour objectif de clarifier les principes essentiels applicables aux aides d'Etat tout en introduisant des règles plus simples et souples pour les SIEG de faibles importance, organisés au niveau local et ayant un objet social en tenant compte des éventuelles atteintes à la concurrence pour les SIEG de plus grande importance.

C'est donc dans ce sens que Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la concurrence, a déclaré: «Le nouveau paquet SIEG fournit aux États membres un cadre plus simple, plus clair et plus souple qui les aidera à fournir à leurs citoyens des services publics de grande qualité, plus nécessaires que jamais en ces temps de crise. La Commission se doit bien entendu de veiller à ce que les entreprises qui assurent des services d'intérêt économique général ne bénéficient pas d'une surcompensation, afin de préserver la concurrence et l'emploi et d'assurer une utilisation efficace des maigres ressources publiques.»

2.- La présente contribution a pour objet d'examiner brièvement les nouveautés prévues dans ce nouveau paquet de règles qui se divise en 4 instruments :

• Une communication de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l'application des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'Etat aux compensations octroyées pour la prestation de services d'intérêt économique général1   (« Communication »). Cet instrument a pour objet de clarifier les notions fondamentales sur lesquelles repose l'application des règles en matière d'aides d'État aux compensations de service public ;
• Une communication cadre de la Commission du 20 décembre 2011 concernant l'encadrement de l'Union européenne aux aides d'Etat sous forme de compensations de service public 2(« Communication cadre ») . Elle définit les conditions auxquelles doivent satisfaire les aides d'État en faveur des SIEG non couvertes par la décision pour être déclarées compatibles avec le marché intérieur. Ce cadre s'attachera donc plus particulièrement aux montants importants de compensation accordés aux opérateurs en dehors des services sociaux ;
• Une décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106, §2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général 3(« Décision »). Cet instrument est destiné à mettre en œuvre une approche plus simple et plus souple pour les services locaux (hôpitaux, services de liaisons aériennes) et certains services sociaux (les soins de santé, la garde d'enfants, l'accès au marché du travail, le logement social et les soins et l'inclusion sociale des groupes vulnérables), lorsque les compensations sont d'un montant annuel inférieur à 15.000.000 euros, notamment en les exemptant de l'obligation de notification prévue par le TFUE;
• Un projet de règlement relatif à l'application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d'intérêt économique général (« Projet de règlement ») qui devrait être adopté au printemps 2012. Ce Porjet prévoit que les compensations dont le montant est inférieur à certain seuil (500.000 EUR sur trois ans) ne relève pas du contrôle des aides d'Etat et partant ne sont pas analysées comme telles.

3.- Excepté le Projet de règlement qui entrera en vigueur au printemps prochain, les trois premiers instruments entreront en vigueur le 31 janvier 2012. Ces règles remplaceront le paquet « Monti-Kroes » de juillet 20054  en vue de faciliter le travail d'analyse des pouvoirs publics nationaux et régionaux en matière d'aides d'Etat. La Directive /111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises reste toujours d'application.

4.- La Commission européenne s'est rendue compte qu'il n'est pas toujours facile pour les pouvoirs publics nationaux, régionaux ou locaux d'apprécier si une compensation de service public est une aide d'Etat ou non et si tel est le cas, si elle doit être notifiée ou non. Les nouvelles règles européennes tentent de clarifier les notions fondamentales d'aide, de SIEG ainsi que celle de compensation de service public et l'examen de leur comptabilité au regard du droit européen.


2. Les nouveautés du paquet européen

5.- La Commission européenne a introduit des clarifications sur des notions fondamentales telles que la notion d'aide, de SIEG (notion d'activité économique et d'entreprise, d'exercice de puissance publique, ), de convergence de procédure de marché public, d'absence d'aide, etc. La Commission européenne insiste sur la nécessité de rendre les procédures d'appel d'offres dans le cadre d'attribution de SIEG ouverte et transparente, de manière à garantir le meilleur rapport qualité-prix aux contribuables.

La Commission européenne veut s'assurer par ces nouvelles règles que le financement public octroyé pour la prestation de service public n'entraîne pas de distorsion de concurrence sur le marché européen et ainsi éviter les surcompensations.

6.- Autre nouveauté : tous les services sociaux tels que par exemple les aides à la petite enfance, maisons de retraite sont désormais exemptés de l'obligation de notification à la Commission, indépendamment du montant de la compensation reçue. Les services concernés doivent répondre « à des besoins sociaux dans le domaine de la santé et des soins de longue durée, de l'aide à l'enfance, de l'accès au marché du travail et de la réinsertion sur ce dernier, du logement social, ainsi que de l'aide aux groupes vulnérables et de leur inclusion sociale». Précédemment, seuls les hôpitaux et le logement social bénéficiaient de cette exemption. De plus, les ports et aéroports seront exemptés si le trafic annuel est inférieur à 300.000 et 200.000 passagers.


Les autres SIEG ne doivent pas être notifiés si le montant de la compensation est inférieur à 15 millions d'euros par an alors que depuis la décision du 28 novembre 2005, le seuil de notification était fixé à 30 millions d'euros. On passe donc d'un seuil de notification de 30 millions à un seuil de notification de 15 millions. Les SIEG donnant lieu à des montants de compensation supérieurs à 15 millions d'euros par an et comportant des risques accrus de distorsion de la concurrence au sein du marché intérieur feront l'objet d'un examen plus approfondi.

7.- Enfin, un cadre révisé va permettre selon la Commission européenne d'apprécier plus aisément les montants de compensation élevés accordés à des opérateurs en dehors du secteur des services sociaux. Ces compensations doivent être notifiées à la Commission et peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur si elles satisfont à certains critères.

Les nouvelles règles introduiront notamment une méthode plus précise pour déterminer le montant de la compensation, l'obligation, pour l'État membre, de prévoir, dans le mécanisme de compensation, des incitations en vue de la réalisation de gains d'efficience, l'obligation de respecter les règles de l'UE en matière de marchés publics et l'égalité de traitement des prestataires d'un même service lors de la détermination de la compensation.

De plus, la Commission pourra exiger des États membres qu'ils adoptent des mesures afin d'atténuer les effets anticoncurrentiels de certaines compensations comportant un risque particulièrement élevé de distorsion de la concurrence sur le marché intérieur.


3. Conclusion

8.- Répondant à un besoin urgent de clarifier les règles en matière de SIEG en vue de faciliter leur application par les pouvoirs publics nationaux régionaux ou locaux, la Commission européenne a tenté de moderniser ces règles :

• en apportant des éclaircissements sur des notions fondamentales tels que aide d'Etats, SIEG, activité économique, etc. ;
• en élargissant l'absence de notification à tous les services sociaux ;
• en introduisant une incitation à l'efficience et critère de qualité du SIEG ;
• en introduisant la possibilité d'imposer des exigences supplémentaires aux Etats membres tels que des engagements ;
• en abaissant le seuil de notification pour les autres SIEG à 15 millions d'euros afin de répondre aux préoccupations exprimées par certaines parties prenantes qui estimaient que le seuil précédent soustrayait à l'examen de la Commission des marchés considérables dans des domaines importants du marché intérieur.

Toutefois, bien que ces règles soient de manière générale bien accueillies notamment le seuil de minimis de 500.000 EUR sur trois ans, il y en a d'autres qui ne font pas l'unanimité.

En effet, sept pays de l'Union dont notamment la France et l'Allemagne ont considéré que les objectifs de clarification et de simplification sont loin d'être atteints.

Certaines nouvelles règles suscitent des inquiétudes notamment la fameuse réduction du seuil de notification passant de 30 millions à 15 millions qui pourrait susciter certaines complications pour des SIEG tels que les théâtres ou certains festivals qui reçoivent ces montants.

Selon eux, la Commission européenne prétend que les Etats disposeraient encore d'une latitude pour déterminer les services devant être considérés comme des services d'intérêt général alors qu'elle définit elle-même ce qui peut relever ou non d'un SIEG. Ainsi, la Commission européenne pourrait décider si la distribution du courrier six jours sur sept relève ou non de l'intérêt général et pourrait ainsi réclamer aux Etats de ramener la distribution du courrier à 5 jours sur sept.

Enfin, l'introduction d'une obligation d'efficience au terme de laquelle l'Etat devra prouver la prestation efficiente du SIEG a suscité des vives critiques des sept pays européens. Au terme de cette obligation, l'Etat devrait justifier la compensation du SIEG en fonction de l'efficience de celui-ci et des objectifs du SIEG sans en altérer la qualité du SIEG.

Or, la Commission ne définit pas clairement les critères d'efficience, ni de qualité d'un SIEG et n'est pas compétente pour imposer à un Etat d'apporter la preuve que l'argent public est bien attribuée à un SIEG efficient et de qualité pour que l'aide d'Etat soit autorisée. Le débat est ouvert !

1C (2011) 9404
2C (2011) 9406
3C (2011) 9380

4On rappelle à cet égard que En 2003, la Cour européenne de justice a statué sur l'appréciation des compensations de service public dans le contexte des règles de l'UE en matière d'aides d'État (affaire C-280/00, Altmark Trans). La Commission a adopté le premier paquet SIEG (également connu sous le nom de «paquet Monti-Kroes» pour tenir compte de cet arrêt. Ce paquet, entré en vigueur en juillet 2005, précisait les conditions auxquelles une aide d'État sous la forme d'une compensation de service public était compatible avec le TFUE. 

En mars 2011, la Commission a lancé un vaste débat sur la révision de ce paquet qui expire à la fin de 2011. En septembre 2011, la Commission a consulté les parties prenantes sur les nouvelles règles proposées et a obtenu de précieuses contributions des États membres, des institutions européennes et des parties prenantes. Les projets ont ensuite été revus pour tenir compte des commentaires formulés dans ce cadre.

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