11/02/10

Lutte contre la fraude fiscale: vers un nouvel équilibre

La lutte contre la fraude fiscale engendre des frustrations profondes. Dans le chef des agents du fisc d'une part (difficulté, voire impossibilité, d'obtenir des condamnations pénales dans les dossiers qu'ils considèrent comme frauduleux), et dans celui des contribuables de l'autre (ils se voient trainés en justice pour des pratiques fiscales que leur ont recommandées des réviseurs ou experts-comptables réputés et doivent attendre plusieurs années avant de pouvoir obtenir gain de cause).

La commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner les grands dossiers de fraude fiscale a résolument opté pour une série de mesures tendant a réduire ce sentiment. Certaines de ses recommandations ont entre-temps été critiquées par le Conseil d'Etat ; d'autres ont été reçues très favorablement par différents intervenants dans le débat. Ainsi est-il notamment acquis qu'un véritable secret bancaire n'est plus de notre époque, et qu'aucun fraudeur ne devrait pouvoir se réfugier derrière l'impossibilité pour les autorités d'obtenir toutes les informations nécessaires auprès des institutions bancaires.

Par ailleurs, un groupe de travail mis en place par le gouvernement a tenté de présenter une charte du contribuable actualisée (en rappelant les droits de la défense, la séparation des pouvoirs, etc) tout en approuvant certaines des recommandations de la commission d'enquête.
L'ensemble des éléments et arguments développés - tels que le respect des droits du contribuable, l'efficacité dans le traitement des dossiers et la volonté d'éviter les doubles emplois - mène au constat d'un accord global sur le fait que certains dossiers devraient être traités par l'administration fiscale, et d'autres par le parquet.

Cette approche est à ce jour communément désignée comme l'approche una via.

Voilà donc une occasion unique pour procéder à un remaniement et à une modernisation des éléments de procédure importants dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale. Le gouvernement n'a donc pas hésité à créer un groupe de travail ayant pour mission d'élaborer une approche una via dans des textes de projets de loi, en reprenant certaines recommandations parlementaires mais également certains éléments apportés par le groupe de travail « charte du contribuable ».

Voici l'esquisse de ce qui pourrait être le fil conducteur du remaniement.

Jusqu'à présent, toutes les infractions fiscales intentionnelles étaient tenues pour constitutives de fraude fiscale pénalement répressible. Dans le nouveau cadre en revanche, on distingue la fraude importante qui mérite une poursuite pénale, des infractions plus « communes ».
La fraude importante est celle pour laquelle il existe une valeur sociale ajoutée à déclencher la mise en œuvre de tous les pouvoirs d'enquête des autorités judiciaires.

Par exemple : la création d'une structure fiscale visant à obtenir des commissions « en noir » pour de larges montants.
A côté de celle-ci figurent toutes les infractions fiscales considérées comme « courantes » qui seraient uniquement traitées par l'administration fiscale et sanctionnées par des amendes administratives (éventuellement importantes dans certains cas). Par exemple : de mauvaises imputations comptables.

Cette dépénalisation de toute une série d'infractions - même intentionnelles- aura pour effet de rendre beaucoup plus efficace la lutte contre la fraude fiscale « courante », dont l'objectif est de récupérer rapidement les impôts éludés.

Afin de mettre l'administration fiscale en mesure de lutter efficacement contre ce deuxième type d'infractions, et par ailleurs contre une série d'abus évidents en matière de planification fiscale, il y a lieu de réintroduire dans notre fiscalité une nouvelle disposition anti-abus de portée générale et de permettre au contribuable d'en soumettre l'application à la commission de ruling. La disposition fiscale anti-abus actuelle étant devenue pour ainsi dire « lettre morte » suite à quelques arrêts de la Cour de Cassation, il devient nécessaire de la réformer. II ne peut être exclu que l'exemple français puisse nous inspirer en cette matière.

Cette même approche est également développée en ce moment au sein de l'institut fiscal, à la KULeuven (par les professeurs de Broe et Haelterman): l'introduction d'une approche una via avec dépénalisation d'une série d'infractions, accompagnée d'une proposition d'introduction d'une nouvelle disposition anti-abus ayant une effectivité réelle.

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