13/07/17

Intensification de la lutte contre l’évasion fiscale : les concepteurs de montages de planification fiscale dans le viseur

Les affaires Panama Papers et Bahamas Leaks ont dévoilé l’utilisation, par des particuliers fortunés, de structures offshore à des fins d’évasion fiscale ; le scandale LuxLeaks a mis en lumière des schémas de planification fiscale internationale de grands groupes. Les particuliers aisés et les multinationales ne sont pas des surdoués de la fiscalité. Pour mettre en place leurs montages d’ingénierie fiscale, ils se font assister par un bataillon de professionnels: avocats, conseillers fiscaux, consultants, banquiers, etc. 

Ces experts fiscaux, qui étaient jusqu’ici épargnés par ces scandales à répétition, sont aujourd’hui dans la ligne de mire. Ainsi, une proposition de la Commission européenne du 21 juin prévoit-elle que les intermédiaires doivent transmettre aux autorités fiscales des informations relatives à certains dispositifs fiscaux à caractère potentiellement agressif. 

Cette obligation déclarative doit avoir lieu dans un délai de cinq jours ouvrables, commençant le jour suivant la mise à disposition du dispositif de planification fiscale au contribuable. Cette mesure procède du constat que le fisc arrive souvent trop tard (après l’expiration des délais de prescription). L’idée consiste à permettre aux autorités fiscales des Etats membres de réagir rapidement contre les pratiques fiscales dommageables, en procédant à des contrôles fiscaux ciblés.

Nul n’est besoin de préciser que cette obligation déclarative aura un effet dissuasif pour les professionnels qui conçoivent et commercialisent des montages d’optimisation fiscale. Pourquoi aller proposer une planification fiscale à un client si c’est pour ensuite aller la déclarer au fisc, lequel ne manquera pas de tout mettre en œuvre (en dégainant son arsenal de mesures anti-abus) pour neutraliser le schéma ? 

On anticipe déjà les questions que vont irrémédiablement se poser les praticiens de la fiscalité, en cas d’adoption de cette proposition de directive  : qui sont les intermédiaires visés ? quels sont les montages de planification fiscale devant faire l’objet d’une déclaration  ? 

La notion d’intermédiaire est très large, puisqu’elle couvre toute personne qui assume la responsabilité vis-à-vis du contribuable de la conception, de la commercialisation, de l’organisation ou de la gestion de la mise en œuvre des aspects fiscaux d’un montage de planification fiscale transfrontalier devant faire l’objet d’une déclaration. Sont principalement visés les avocats, les comptables, les conseillers fiscaux, les banques et les consultants. Certains professionnels échappent toutefois aux mailles du filet. Il s’agit principalement des intermédiaires qui (i) ne sont pas situés dans l’Union européenne ou (ii) bénéficient du secret professionnel en vertu de la législation nationale de leur Etat membre. Il revient dans ces hypothèses au contribuable lui-même (particulier ou entreprise destinataire du conseil) de transmettre les informations au fisc.

Il ne faut pas se fourvoyer : les intermédiaires ne doivent pas déclarer l’intégralité de leurs conseils fiscaux à l’administration fiscale de leur Etat de résidence. Seuls sont visés certains dispositifs de planification fiscale transfrontaliers comportant certaines caractéristiques – appelées « marqueurs » - révélatrices de leur caractère potentiellement agressif, notamment :

  • L’utilisation de pertes fiscales pour réduire la charge fiscale (transfert des pertes à une autre juridiction, accélération de l’utilisation de ces pertes) ;
  • Dispositifs prévoyant la déduction de paiements à une société liée faiblement taxée (société établie dans une juridiction qui lève un impôt des sociétés inférieur à la moitié de la moyenne des taux d’imposition des sociétés au sein de l’UE ; paiement bénéficiant d’une exonération fiscale partielle ou totale, etc).
  • Recours à des juridictions non liées par les accords d’échange automatique d’informations ou pourvues de régimes inadéquats en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

La proposition de directive vise essentiellement les systèmes d’évasion fiscale à grande échelle. Il va ainsi de soi qu’un comptable ne devra pas, par exemple, déclarer aux autorités fiscales belges la conception d’un montage de démembrement usufruit / nue-propriété (acquisition de l’usufruit d’un bien immeuble par la société, et de la nue-propriété par son dirigeant)… 

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