18/02/10

Impact de la crise économique sur la gestion fiscale

Dans le présent article nous abordons l'impact de la crise économique sur la gestion fiscale des entreprises, ensuite nous illustrerons brièvement son impact sur les particuliers, et sur la stratégie fiscale de l'Etat. La législation fiscale est en mouvement permanent, mais elle n'est pas responsable de l'inconfort causé par la crise.

Nous avions même connu avant la crise économique, une certaine stabilité fiscale au plan législatif. En effet, malgré une fragmentation des sources allant de l'Europe aux régions jusqu'aux communes, les taux d'imposition principaux n'ont pas augmentés au cours des dernières années, -certains ont même diminués de manière spectaculaire, par exemple certains barèmes de droits de succession- les règles de déduction de charges sont restées relativement stables, les règles d'exemption n'ont pas été restreintes et, pour clôturer cette liste non-exhaustive, la taxation des contributions au deuxième pilier de pensions ainsi que la taxation des paiements de capitaux ou de rentes sont restés stable.


Toutefois la crise économique est venue déstabiliser le paysage présenté ci-dessus. En effet des facteurs tels que l'incertitude grevant les performances des entreprises liée aux déficits importants des budgets de l'Etat, et à la rareté du crédit ont créé une onde de choc qui a accru la pression sur la gestion fiscale. Nous verrons que la réalité se situe bien loin d'une perception qui pourrait être qu'en période de crise les fiscalistes se contentent de gérer les pertes.
Pour le fiscaliste d'entreprise ce nouveau paysage a eu principalement trois conséquences. La première conséquence est certainement la focalisation créée par la crise économique sur le cash. C'est évidemment la conséquence directe de la rareté du crédit qui a mis l'accent sur la gestion du cash dans tous les domaines de l'entreprise. Celle-ci a forcé les à regarder la fiscalité de manière globale et à analyser de beaucoup plus prêts l'impact du cash flow fiscal total sur son bilan. En matière d'impôts directs, il s'agit non seulement de gérer le processus de paiement des versements anticipés ou les demandes de reports de ceux-ci, il s'agit aussi de s'assurer de l'efficacité financière de la déduction des coûts encourus, et de tenter d'organiser une forme de consolidation internationale afin d'éviter notamment de la double imposition.

En matière TVA nous avons constaté que les entreprises savent que le caractère techniquement neutre de la taxe ne prévenait pas des situations courantes où de grosses créances TVA se retrouvaient avec à l'actif du bilan. Plusieurs mois ou plusieurs années étaient parfois nécessaires à récupérer cet argent. Un autre cas pratique est celui où les garanties financières assurant le report de paiement de la TVA à l'importation n'étaient plus ajustées à l'ampleur des opérations.

En termes de gestion des salaires et des avantages aux employées nous avons également constaté que beaucoup d'entreprises ont entamé une revue fiscale de l'impact de leurs structures de salaires. Dans tous ces domaines la focalisation sur le cash est devenue totale.

La deuxième conséquence pour le fiscaliste d'entreprise est la fluctuation des résultats qui l'a forcé à se concentrer sur la gestion de risques d'une manière différente. En période de crise économique le fiscaliste est forcé de gérer les risques d'une manière beaucoup plus dynamique, c'est-à-dire par anticipation. Deux phénomènes ont mis un accent neuf sur les risques liés à la fiscalité et la crise les a mis enrelief. D'une part, la gouvernance d'entreprise qui impose aux administrateurs de s'intéresser aussi à des domaines plus techniques tels que la fiscalité. D'autre part, l'internationalisation croissante des transactions et des processus d'entreprise ont rendu beaucoup plus complexe la gestion de la fluctuation des résultats. Cette situation doit être couplée à l'émergence des normes comptables IFRS qui ont eu pour conséquence une augmentation du volume dl'information fiscale fournie par l'entreprise dans ses comptes consolidés. Cela concerne non seulement le cash flow fiscal mais aussi la gestion des impôts différés. Le fiscaliste a donc dû mettre sur pied des méthodes gestion de ces risques y compris dans des domaines qui n'étaient pas toujours ses domaines rapprochés de prédilection technique. Ce sont par exemple tous les impôts indirects tels que le TVA ou les droits de douanes ainsi que la fiscalité liée aux paiements des salaires. Ces derniers sont des domaines qui sont souvent « outsourcés » à d'autres départements de l'entreprise, le département financier ou le département des ressources humaines, mais où les directeurs fiscaux sont souvent intervenus pour dynamiser la gestion de risques liés aux obligations fiscales.


Enfin , la troisième conséquence est la mise en avant du double son rôle de conseiller d'une part et de gestionnaire dans l'entreprise d'autre part. La fluctuation des résultats des sociétés, les variations rapides par rapport aux budgets, et les besoins de financements ont eu pour conséquence que le fiscaliste ne peut plus se contenter d'être un spectateur qui émet des avis mais il est devenu un acteur potentiel dans tous les processus de l'entreprise. L'entreprise s'étant dans la plupart des cas fortement internationalisée, la capacité de gérer en même temps plusieurs systèmes fiscaux et de les intégrer dans une mesure comparable aux divisions opérationnelles est devenue un impératif. Le directeur fiscal a dû s'intéresser au processus de décision de l'entreprise auquel il doit pouvoir participer en se basant sur des informations structurées de manière telle à pouvoir avoir un impact sur les décisions. L'époque où le fiscaliste vivait dans l'histoire, gérant à partir de l'information contenue dans les déclarations fiscales est révolue. A titre d'illustration, les phénomènes de centralisation des fonctions financières, de simplification et d'informatisation des tâches administratives, d'outsourcing de celles-ci ou de réorganisations présentent autant de défis. Les programmes de réductions de coûts ont non seulement comprimé les dépenses de fonctionnement des entreprises, mais aussi entraîné des modifications opérationnelles qui ont à leur tour eu des conséquences sur la gestion fiscale. La mise en place d'équipe de gestions « virtuelles » dont les membres sont localisés dans plusieurs pays et utilisent les nouvelles technologies pour communiquer et décider, est un autre exemple concret de mesure qui pose de nouveaux défis.
En ce qui concerne l'impôt des personnes physiques, la crise économique a elle aussi amené des changements si pas de comportements en tout cas de préoccupation. Les questions liées à la gestion des droits de successions - on pense aux successions ouvertes avant une chute de cours spectaculaire - et celles liées à la mise en place de la directive épargne et à l'intensification des échanges d'information menée par le G2O induisent de nouveaux comportements, à leur tour influencés par les fluctuations très importantes qu'on connu beaucoup de patrimoine privé.


L'impact de la crise économique n'a pas épargné les recettes fiscales de l'Etat. Au niveau des administrations la crise sera le catalisateur favorisant l'utilisation de méthodes de contrôle plus efficaces. L'utilisation des techniques de data mining pour contrôler des opérations spécifiques va se répandre. Un exemple fin 2009 sont notamment les contrôles sur des opérations de réorganisations liées à l'intérêt notionnel. L'administration va aussi bénéficier de nouveaux flux d'information suite à la mise en place de conventions permettant l'échange internationale d'information. Dans la mesure où nos charges fiscales sont déjà parmi les plus élevées par rapport au produit intérieur brut, l' augmentation des taux d'impôts pour combler le déficit n'est probablement pas une option réaliste. On doit dès lors s'attendre à une stratégie visant à améliorer la base soumise à l'impôt.

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