01/08/14

Détective ou vie privé(e)

L’affaire fait suite à un litige entre l’institut professionnel des agents immobiliers (IPI) d’une part, et Monsieur ENGLEBERT, la SPRL IMMO 9 et Monsieur FRANCOTTE, d’autre part.

L’IPI a notamment pour mission de veiller aux conditions d’accès à la profession d’agent immobilier et au bon exercice de celle-ci. Dans ce cadre, il lui est possible de recourir aux services de détectives privés agréés conformément à la loi du 19 juillet 1991.

Dans la présente affaire, l’IPI avait demandé au tribunal de commerce de CHARLEROI de constater que les trois intimés avaient commis des actes contraires à la réglementation applicable et de les condamner à cesser diverses activités immobilières.

Cette action intentée par l’IPI était fondée sur des éléments de preuve recueillis par des détectives privés.

Le tribunal de commerce s’est interrogé sur la valeur à attribuer à ces preuves, lesquelles ayant pu être collectées en violation de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

Par une question préjudicielle, le tribunal a alors demandé à la Cour constitutionnelle si cette loi n’était pas contraire à la Constitution en en ce qu’il n’étendait pas aux détectives privés les exceptions à l’obligation d’informer la personne concernée quant au traitement de ses données à caractère personnel (art. 9 de la loi). En vertu de l’article 3, §§ 3 à 7, cette exception à l’obligation d’information s’applique d’une part à d’autres catégories de professionnels (les personnes exerçant une activité journalistique, artistique ou littéraire) et, d’autre part, à des organismes publics (les services compétent en matière de sécurité et de police et les centre européen pour les enfants disparus et sexuellement exploités).

La loi du 8 décembre 1992 a servi de base légale pour la transposition de la directive 95/46 du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. La Cour constitutionnelle a donc estimé nécessaire de s’assurer auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) de la correcte transposition de l’article 13, § 1, d) à g) sur le territoire belge.

Répondant aux deux premières questions préjudicielles de la Cour constitutionnelle, la CJUE a indiqué que :

Conformément à l’article 13, §1 de la directive, les Etats membres n’ont pas une obligation mais la faculté de transposer dans leur ordre interne une ou plusieurs exceptions à l’obligation d’information de la personne concernée;
L’activité de détective privé agissant pour le compte d’un organisme professionnel afin de rechercher des manquements à la déontologie d’une profession réglementée relève bien de l’exception prévue à l’article 13, §1, d), à savoir : « la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infraction pénales ou de manquement à la déontologie dans le cadre de professions réglementées ».


Suite à cette décision, la Cour constitutionnelle a, par un arrêt du 3 avril 2014, estimé que l’article 9, §1er avait pour effet de compliquer sérieusement la mission légale de contrôle du détective privé, voire la rendre impossible.

La Cour a dès lors conclu que :

« L’article 9 de la loi vie privée du 8 décembre 1992 viole les articles 11 et 11 de la Constitution dans la mesure où il s’applique automatiquement à l’activité d’un détective privé ayant été autorisé à exercer ses activités pour des personnes de droit public conformément à l’art. 13 de la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et agissant pour un organisme professionnel de droit public qui est chargé par la loi de rechercher des manquements à la déontologie d’une profession réglementée ».

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