25/02/19

Protection contre le licenciement du délégué syndical en l’absence de CPPT : aucune incidence de l’exercice ou non des missio…

Par un arrët rendu ce 14 février 2019, la Cour constitutionnelle a jugé que les délégués syndicaux effectifs bénéficient, de plein droit et en l’absence de CPPT, de la protection contre le licenciement prévue par la loi du 19 mars 1991 sans que le bénéice de cette protection ne soit subordonné à l’exercice effectif – ou non - par ces derniers des missions du CPPT.

En l’espèce, une société active dans le secteur du gardiennage et n’ayant pas institué de CPPT, avait licencié pour motif grave une déléguée syndicale sans respecter la procèdure d’autorisation préalable imposée par la loi du 19 mars 1991. La travailleuse avait demandé sa réintégration, ce qui lui fut refusé. Elle a alors assigné son employeur au paiement des indemnités de protection prévues par la loi du 19 mars 1991 en invoquant l’article 52 de la loi du 4 aout 1996 relatif à la protection et bien-ëtre au travail.

Cet article dispose que « La délégation syndicale est chargée d'exercer les missions des Comités lorsqu'un comité n'est pas institué dans l'entreprise. Dans ce cas, les membres de la délégation syndicale (...) bénéficient de la mëme protection que les délégués du personnel des Comités, telle que prévue par la loi du 19 mars 1991 (...). Cette protection commence à la date du début de leur mission et se termine à la date à laquelle les candidats élus aux élections suivantes sont installés comme membres du comité».

Saisi du litige, le Tribunal du travail du Brabant wallon a interrogé la Cour constitutionnelle quant à la constitutionnalité de l’article 52 de la loi du 4 août 1996 (...) interprété en ce qu’il ne subordonne pas la protection (...) prévue par la loi du 19 mars 1991 (...) à l’exercice effectif par les membres de la délégation syndicale des missions attribuées en principe aux membres du CPPT.

L’employeur arguait du fait qu’une telle interprétation engendrait une différence de traitement injustifiée entre deux catégories d’employeurs se trouvant dans des situations pourtant rigoureusement identiques. D’une part, l’employeur auprès duquel est instituée une délégation syndicale qui n’exerce pas effectivement les missions du CPPT, doit respecter et le cas échéant payer les indemnités prévues par la loi du 19 mars 1991, et, d’autre part, l’employeur auprès duquel est instituée une délégation syndicale et un CPPT - la délégation syndicale n’exerçant pas les missions du CPPT - ne doit quant à lui pas respecter ni payer les indemnités prévues par la loi du 19 mars 1991.

La Cour a jugé que la question préjudicielle appelait une réponse négative confirmant que la protection contre le licenciement dont bénéficient les délégués syndicaux en vertu de la loi du 19 mars 1991, n’est pas subordonnée à l’exercice effectif par ces derniers des missions dévolues au CPPT.

Pour la Cour, la différence de traitement invoquée par l’employeur repose sur un critère objectif :

  • D’un côté, la délégation syndicale est chargée d’exercer les missions du CPPT parce que l’entreprise ne dispose pas d’un tel comité ;
  • D’un autre, la délégation n’est pas chargée de telles missions en raison de l’existence d’un comité au sein de l’entreprise.

En réponse à la seconde question préjudicielle posée, se fondant, par un raisonnement inverse, sur une identité de traitement injustifiée entre deux catégories d’employeurs se trouvant dans des situations pourtant rigoureusement différentes (d’une part, l’employeur auprès duquel est institué une délégation syndicale exerçant effectivement les missions dévolues au comité, tenu de respecter et payer les indemnités de protection prévues par la loi du 19 mars 1991, et d’autre part, l’employeur dont la délégation syndicale est chargée de ces mêmes missions sans les exercer effectivement, doit également respecter et le cas échéant, payer pareilles indemnités de protection), la Cour répond également par la négative en motivant sa décision par référence à un arrêt de le Cour de cassation (Cass. 17 mars 2003, S.01.0182.N) et en rappellant que l’objectif du législateur fut d’offrir une protection équivalente aux délégués au regard du risque accru de licenciement auquel ils s’exposent en raison des remarques, critiques et exigences posées en matière de santé et de sécurité au travail.

Au surplus, la Cour relève que conditionner le bénéfice de la protection légale à l’exercice effective des missions aurait pour conséquence de « donner lieu à de vains conflits [et] d’inciter un employeur mal intentionné d’empêcher la délégation syndicale d’exercer ses missions ».

En conclusion, peu importe si le délégué syndical exerce ou non effectivement des missions en matière de santé, prévention, protection et sécurité au travail, il bénéficiera – en l’absence d’un CPPT – de la protection légale contre le licenciement instituée par la loi du 19 mars 1991.

L’enseignement de cet arrêt ne concerne que les membres effectifs de la délégation syndicale, les suppléants ne bénéficiant pas d’une telle protection, sauf disposition contraire prévue par une CCT applicable, suivant un arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 février 2003 (S.02.0068F, Pas. 290).

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