09/08/19

De l’importance des évaluations dans l’appréciation du licenciement abusif

Dans un jugement du 18 février dernier, le Tribunal du travail du Hainaut, division Mons, a eu à se pencher sur la question de savoir s’il est possible de motiver le licenciement d’un contractuel par des manquements professionnels alors qu’il bénéficie d’évaluations positives.
 

1. Les faits 

Le 8 décembre 2015, le secrétaire communal de la Commune d’Anderlecht établit un rapport interne portant sur le secrétaire technique, lui reprochant de nombreux manquements professionnels, tels que des défauts d’encodage, ne pas utiliser les modèles de documents, écrire sur la version originale du courrier des demandeurs (ce qui rendait difficile toute copie du courrier pour un traitement ultérieur), ne pas présenter ses notes dans la langue de la demande, écrire de manière illisible, commettre des erreurs de lecture de plan, etc.

Après avoir entendu l’agent, le collège communal décide, le 20 janvier 2016, de le licencier moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Dans le courrier de rupture, le collège renseigne le motif suivant : « dysfonctionnement dans l’exécution de vos tâches malgré les divers avertissements ayant fait l’objet d’un rapport le 8 décembre 2015 ». 

Le travailleur conteste son licenciement devant le Tribunal du travail du Hainaut, division Mons, et réclame à la Commune des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
 

2. La décision du Tribunal

1. Le Tribunal rappelle que la CCT n° 109 est inapplicable, en tant que telle, au secteur public. Suivant la recommandation faite par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 101/2016 du 30 juin 2016, il indique qu’il appréciera néanmoins l’existence d’un éventuel abus de droit à la lumière des critères fixés par ladite convention pour déterminer si le licenciement est manifestement déraisonnable. 

Autrement dit, le Tribunal va vérifier si le licenciement se fonde sur des motifs liés à l’aptitude ou la conduite du travailleur ou sur les nécessités de fonctionnement de la Commune et si le licenciement aurait pu être décidé par un employeur normal et raisonnable.

En revanche, le Tribunal exclut l’application des règles de la CCT n° 109 relatives à la charge de la preuve et à l’évaluation du dommage.
 

2. En l’espèce, le Tribunal considère que les motifs du licenciement sont, en théorie, liés à la conduite du travailleur. Après analyse de l’ensemble des griefs formulés par la Commune, le Tribunal constate cependant que seules deux erreurs sont effectivement imputables à l’agent.

Le Tribunal considère ensuite qu’aucun employeur normalement et diligent n’aurait licencié l’agent pour ces faits, en relevant que : 

  • D’une part, l’agent n’avait reçu que des évaluations favorables entre 2010 et 2014. Sa dernière évaluation renseignait d’ailleurs : « très peu d’erreurs et sait les rectifier = ne fait pas d’erreur de fond ».
     
  • D’autre part, le dossier individuel de l’agent ne renseignait pas le moindre avertissement écrit ou même oral sur la manière de travailler de l’agent…

En conséquence, le Tribunal qualifie le licenciement d’abusif et condamne la Commune au paiement d’un montant de 1.500 EUR au titre de dommages et intérêts.

3. Que retenir de cette décision ?

Le jugement commenté s’inscrit dans une tendance forte en jurisprudence, initiée par la Cour du travail de Liège dans un arrêt du 22 janvier 2018, qui consiste à contrôler la motivation substantielle du licenciement des contractuels de la fonction publique à l’aune des critères fixés dans la CCT n° 109 sans néanmoins aller jusqu’à en faire une application analogique.

Cette jurisprudence doit conduire les employeurs publics à veiller à ce que les décisions de licenciement qu’ils adoptent soient fondées sur l’aptitude ou le comportement du travailleur, voire les nécessité de fonctionnement de leurs services.

S’il entendent fonder le licenciement sur les dysfonctionnements d’un travailleur, ils seront avisés de s’assurer que les reproches qu’ils formulent ne sont pas contredits par l’existence d’évaluation(s) positive(s) et/ou d’adresser préalablement au travailleur concerné des avertissements.

Source : Trib. trav. Hainaut, division Mons, 18 février 2019, R.G. n° 16/2423/A, www.terralaboris.be.

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