19/12/12

congés payés et incapacité de travail: impact de l’arrêt anged du 21 juin 2012 sur le droit françai

L’arrêt Anged du 21 juin 2012

Dans son arrêt du 21 juin 2012, la CJUE considère que l’incapacité de travail survenant pendant la période de congé d’un salarié ne peut le priver de bénéficier ultérieurement de ce congé. Elle avait déjà jugé (CJUE 10 septembre 2009, Vivente Pereda) que lorsque l’incapacité de travail survenait avant le début d’une période de congés d’ores et déjà fixée, le salarié devait bénéficier de son congé payé après son retour de maladie.

Avec ce nouvel arrêt, il est désormais clair que le moment auquel l’incapacité de travail survient est indifférent et que le salarié doit, par principe, bénéficier de son congé annuel payé, la CJUE rappelant à l’appui de cette analyse que le droit au congé annuel payé doit être considéré comme « un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière », qu’il est consacré par la charte des droits fondamentaux de l’Union Européen et, enfin, qu’il ne peut y être dérogé que dans les limites prévues par la Directive du 4 novembre 2003 (2003/88).

La CJUE en conclut donc qu’aucune disposition nationale ne peut prévoir « qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail ».

En droit français

La Cour de cassation a d’ores et déjà anticipé cette évolution de la jurisprudence communautaire puisqu’elle a posé en principe en début d’année 2012 qu’ « eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/Cedu parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail » (Cass. Soc., 16 février 2012, n°10-21300). La Cour a également jugé qu’il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Cass. Soc., 13 juin 2012, n°11-10929).

A la suite de l’arrêt Anged, il est donc plus que probable que la Cour de cassation abandonne définitivement sa jurisprudence selon laquelle le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n'a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail (Cass.soc, 4 déc.1996, n°93-44.907 Col c/Deudon), étant rappelé que certaines conventions collectives autorisent déjà le salarié à reporter ses congés effectifs à son retour de maladie.

Les apports constants de la jurisprudence européenne sur le droit français

Bien que la Directive 2003/88 n’ait pas d’effet direct en droit français, l’abondante jurisprudence de la CJUE de ces dernières années sur le droit à congé a progressivement conduit le législateur et le juge français à modifier les règles relatives aux congés et, en particulier, celles relatives à l’acquisition des congés payés pour les salariés absents pour raison de santé.

S’agissant, par exemple, de l’ouverture du droit à congé, à la suite notamment de l’arrêt de la CJUE du 24 janvier 2012 (aff. C-282/10), le législateur français a fini par supprimer, en mars 2012, la condition de dix jours de travail effectif pour l’ouverture du droit à congés payés, qui naît désormais dès le premier jour de travail effectif (article L. 3141-3 du code du travail).

S’agissant du calcul des droits à congés payés, à la suite d’une question préjudicielle de la Cour de cassation (Cass. Soc., 2 juin 2010, n°08-44834) et de l’arrêt précité du 24 janvier 2012, la Cour de cassation a suivi la décision européenne en jugeant, pour la première fois par arrêt du 3 juillet 2012, que l’absence pour accident de trajet est assimilée à l’absence pour accident du travail pour l’acquisition du droit à congé payé (Cass. Soc., 3 juillet 2012, n°08-44834).

Conclusion

L’influence de la CJUE sur le droit français en matière de congés est donc significative et il faut logiquement anticiper, à la suite de l’arrêt Anged, une prochaine évolution de la jurisprudence française concernant le traitement de l’incapacité de travail qui surviendrait pendant le congé annuel du salarié.

A ce stade toutefois, les employeurs n’ont pas à anticiper en pratique une telle évolution et cela pourrait même le leur être reproché par leurs salariés qui bénéficient à ce jour, sur le plan pécuniaire, de l’avantage du cumul de leur indemnité de congés payés avec leurs indemnités journalières !

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