03/06/16

La transaction pénale étendue jugée inconstitutionnelle

Ce 2 juin 2016, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt n° 83/2016 constatant l'inconstitutionnalité de la transaction pénale étendue inscrite à l’article 216bis, § 2 du Code d’instruction criminelle. Saisie de quatre questions préjudicielles par la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Gand, elle s’est exprimée quant à la compatibilité de la mesure avec nombre de garanties constitutionnelles.

Tout d’abord, la Cour estime qu’aucune violation de la condition de prévisibilité de la procédure pénale, du droit d’accès au juge ou du droit au procès équitable ne découle du fait que le parquet puisse refuser la proposition de transaction pénale formulée par l’auteur présumé des faits, et ce sans obligation de motivation ou de contrôle par un juge. Une réponse logique compte tenu du principe d’opportunité des poursuites, le procureur ayant le pouvoir discrétionnaire de conclure ou non une transaction pénale. « Un inculpé ne dispose pas du droit d’exiger une transaction pénale », énonce la Cour (B.17, B.20-B.21).

La Cour constitutionnelle qualifie par contre d’inconstitutionnel le § 2 de l’article 216bis C.i.cr. « en ce qu’il habilite le ministère public à mettre fin à l’action publique par la voie d’une transaction pénale, après l’engagement de l’action publique, sans qu’existe un contrôle juridictionnel effectif ». En effet, suite à la réforme de 2011 du mécanisme (et les amendements qui y ont été apportés début 2016 par la loi Pot-Pourri II), le parquet peut recourir à la transaction pénale tant en cours d’instruction qu’en première instance au fond, pour autant qu’aucun jugement (ou arrêt) définitif n’ait été rendu en matière pénale. Cette procédure est qualifiée de transaction « étendue » ou « élargie ». La transaction étendue doit cependant faire l’objet d’une procédure d’homologation par laquelle la juridiction compétente constate l’extinction de l’action publique suite à la conclusion de l’accord. Or, cette juridiction se voit expressément limitée à effectuer un contrôle « formel » des conditions d’application de la mesure. En d’autres termes, il ne lui est pas permis de juger de la proportionnalité (ni a fortiori de l’opportunité) de la transaction. En ce sens, la Cour estime que la transaction étendue ne peut être compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination combiné avec le droit à un procès équitable et avec l’indépendance du juge inhérente à ce droit. Pour que le contrôle juridictionnel soit suffisant et « effectif », le juge compétent devrait être à même de se prononcer (i) par voie de décision motivée tant (ii) sur la proportionnalité que (iii) sur sa légalité de la transaction pénale envisagée (en tenant compte du respect des conditions légales de la transaction, des directives contraignantes de politique criminelle, et le cas échéant des lois qui limitent dans certains cas le pouvoir d’appréciation du ministère public) (B.11-B.13). Exit, donc, le « juge tampon ».

Les effets de l’article 216bis, § 2 sont maintenus jusqu’à la publication du présent arrêt au Moniteur belge. Et après ? Au législateur d’amender la disposition litigieuse en vue d’assurer un contrôle juridictionnel « effectif » de la transaction étendue. Pour ce faire, nous l’invitons à se référer à la procédure d’homologation prévue à l’article 216 C.i.cr. nouveau en matière de « plaider coupable » qui, en sus des vérifications formelles, contient bel et bien une exigence de proportionnalité des peines proposées et de motivation de la décision (à tout le moins en cas de rejet du plaider coupable).

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