28/12/10

L’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 6 septembre 2010 ou l’annonce d’une saga jurisprudentielle en matière de filiation en …

Jurisprudence – Gestation pour autrui et filiation

En Belgique, aucune disposition légale n’interdit la maternité pour autrui, mais le contrat de mère porteuse est considéré par la jurisprudence comme contraire à l'ordre public et est, en conséquence, frappé de nullité absolue. Cette pratique étant parfaitement autorisée dans d’autres pays, de nombreux couples se rendent à l’étranger pour recourir aux services d’une mère porteuse. La Cour d’Appel de Liège vient de rendre l’un des premiers arrêts sur la question délicate des conséquences du recours à une mère porteuse en termes de filiation.

Il n’existe, chez nous, aucune disposition légale interdisant la maternité pour autrui, mais une convention de mère porteuse est généralement considérée par la jurisprudence comme contraire à l'ordre public et, en conséquence, frappée de nullité absolue.

Dans d’autres régions du monde, la pratique est, en revanche, tout à fait autorisée. Dans le cas d’espèce soumis à la Cour d’appel de Liège, un couple d’homosexuels belges mariés avait fait appel à une mère porteuse en Californie. Cette dernière avait accouché de deux jumelles, considérées aux yeux du droit de cet Etat américain comme les enfants naturelles et légales des deux hommes. Sur les actes de naissances américains des enfants, il est fait mention des noms respectifs des deux pères à l’exclusion du nom de la mère avec laquelle aucun lien de filiation n’est reconnu.

Bien que cette relation juridique ait été valablement constituée à l’étranger, les actes d’états civils étrangers qui la constatent ne produisent pas automatiquement leurs effets en Belgique; leur reconnaissance étant soumise au respect de certaines règles de droit international privé.

Saisie de cette question, la Cour d’appel raisonne en deux temps :

En application des règles prévues aux articles 27 et 62 du Code de droit international privé, la Cour vérifie d’abord la validité des actes de naissances soumis au regard du droit belge. A cet égard, la Cour arrive à la conclusion que seule la filiation paternelle du père donneur biologique aurait été reconnue en Belgique. En effet, le Code civil prévoit que le lien de paternité avec le père biologique ne peut pas être contesté mais il exclut expressément toute présomption de paternité à l’égard du compagnon marié à une personne du même sexe. En dehors de l’adoption par le « père affectif » de l’enfant biologique de son conjoint, le droit belge n'admet donc pas l'existence d'un double lien de filiation paternelle.

Dans un second temps, la Cour s’interroge sur l'incidence sur l'établissement du lien de filiation du recours à une mère porteuse. La Cour a considéré que les actes de naissances dont la reconnaissance était postulée découlaient d’un contrat de gestation pour autrui illicite en droit belge car contraire à l’ordre public. En effet, un tel contrat viole les principes de l'indisponibilité du corps humain, le statut des personnes et le droit pour la mère qui porte et met au monde un enfant de déterminer son lien de filiation.

Constatant qu’un refus de reconnaitre la paternité du père biologique reviendrait à priver les jumelles de tout lien de filiation paternel ou maternel, la Cour considère qu’en l’espèce, le lien de filiation avec le père biologique doit néanmoins être reconnu au nom de l’intérêt supérieur des enfants à connaître leurs parents.

Elle n’applique en revanche pas la même règle à l’époux du père biologique, auquel elle refuse la reconnaissance de tout lien de filiation, puisque comme elle l’a souligné dans la première étape de son raisonnement, l’état actuel de droit positif belge ne permet pas l’établissement d’un double lien de filiation paternelle en dehors de l’adoption.

Au vu du nombre croissant d’affaires impliquant l’intervention d’une mère porteuse et de la diversité des opinions juridiques à cet égard, il ne fait aucun doute que, sans intervention législative, l’arrêt du 6 septembre 2010 n’est que le début d’une longue saga jurisprudentielle.

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