11/06/14

Le législateur belge s’intéresse au crowdfunding

Depuis 2012, et à la suite de la crise financière ayant réduit encore un peu plus l’accès des entreprises au financement, la Belgique connaît un nombre croissant de projets faisant appel au financement participatif ou crowdfunding.

Le crowdfunding consiste en un mode de financement de projets par lequel de petits montants sont collectés auprès d’un large public, souvent au travers de plateformes internet.

Outre le fait qu’il constitue un moyen nouveau et alternatif pour les PME d’obtenir un financement, la Commission européenne a rappelé, dans une Communication du 27 mars 2014 intitulée « Libérer le potentiel de financement participatif dans l’Union européenne », que le crowdfunding favorise l’entrepreneuriat et apporte de nombreux avantages à l’économie d’une région ou d’un pays (sur le plan de l’innovation, de la recherche et développement, de la création d’emploi, etc.) .1

C’est dans ce contexte que le législateur belge s’est très récemment intéressé au sujet et a adopté – en un temps record ! – un texte de loi visant à légaliser et faciliter le recours au financement participatif en Belgique .2

La loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses intègre dans le droit belge une exception spécifique – entrée en vigueur le 17 mai 2014 – à l’obligation de publier un prospectus en ce qui concerne les opérations de crowdfunding répondant à certaines conditions .3

Plus précisément, le législateur a ajouté un point j) à l’article 18 §1er de la loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d’instruments de placement et aux admissions d’instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés (la loi dite « Prospectus ») telle que modifiée par la loi du 17 juillet 2013 visant à transposer les Directives 2010/73/UE et 2010/78/UE.

En vertu de la loi du 16 juin 2006, les offres publiques d’instruments de placement effectuées sur le territoire belge sont en principe assujetties à l’obligation préalable, dans le chef de l’émetteur ou de l’offreur, de publier un prospectus, sous le contrôle de l’Autorité des Services et Marchés financiers (FSMA).

Or, l’obligation de publication d’un prospectus est lourde et coûteuse pour les sociétés, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une société jeune porteuse d’un projet en phase de développement. Celles-ci doivent établir un document comportant l’ensemble des informations adéquates et nécessaires aux investisseurs pour leur permettre d’évaluer en connaissance de cause sa situation financière, son patrimoine, ses perspectives, …

Dès lors qu’elle s’applique uniquement aux offres « publiques », l’article 3 §2 de la loi « Prospectus » exclut de son champ d’application les offres privées, c’est-à-dire :

a) les offres d'instruments de placement adressées uniquement aux investisseurs qualifiés ;

b) les offres adressées à moins de 150 personnes physiques ou morales, autres que des investisseurs qualifiés, par Etat membre de l'Espace économique européen ;

c) les offres qui requièrent une contrepartie d'au moins 100.000 euros par investisseur et par offre distincte ;

d) les offres dont la valeur nominale unitaire s'élève au moins à 100.000 euros ; ou

e) les offres d'instruments de placement dont le montant total dans l'Espace économique européen est inférieur à 100.000 euros.

Si l’offre entre dans l’une des catégories précitées, elle sera réputée privée et il ne sera donc pas nécessaire de publier un prospectus.

La loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses a établi une nouvelle exception à l’obligation de publication d’un prospectus laquelle est aujourd’hui reprise à l’article 18, § 1er, j) de la loi du 16 juin 2006.
Plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies pour bénéficier de cette exception:

a) l’offre doit porter sur des valeurs mobilières ou d’autres instruments permettant d’effectuer un investissement de type financier, quels que soient les actifs sous-jacents ;

b) le montant total de l’offre doit être inférieur à 300.000 euros;

c) le montant pouvant être investi par chaque investisseur est limité à un maximum de 1.000 euros;

d) tous les documents se rapportant à l’offre doivent mentionner le montant de celle-ci ainsi que l’investissement maximal par investisseur.

La loi du 25 avril 2014 impose en outre à l’offrant qui fait usage de cette exception (et donc pas dans le cas de l’usage des offres « privées ») de communiquer à la FSMA préalablement à l’offre publique tous les documents nécessaires dont il ressort que les conditions listées ci-avant sont réunies. Notons qu’en cas de non-respect de cette obligation la FSMA est habilitée à infliger à la personne responsable une amende administrative comprise entre 2.500 euros et 2,5 millions d’euros (article 71 de la loi du 16 juin 2006).

Il est admis que cette exception spécifique au crowdfunding ne fait pas obstacle à ce que les émetteurs d’instruments de placement et les acteurs du secteur du crowdfunding continuent à faire usage des exceptions au caractère privé de l’offre dans le cadre de l’article 3 §2 de la loi du 16 juin 2006 (D. Raes, Etats des lieux en matière de crowdfunding : Quel chemin parcouru et quelles perspectives d’évolution ?, in Le Financement des PME, Séminaire Vanham & Vanham, 23 mai 2014, n°83).

La nouvelle exception consacre et facilite le financement participatif. Reste à vérifier dans les faits de quelle manière et avec quelle intensité cette exception sera utilisée par les acteurs du secteur.

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1 Communication de la Commission au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européen, et au Comité des régions du 27 mars 2014, « Libérer le potentiel du financement participatif dans l’Union européenne » http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2014:172:FIN.
2 Le projet de loi a été déposé le 3 mars 2014 et a été adopté le 10 avril 2014.
3 Loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses, Moniteur belge 7 mai 2014, n°36946.

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