12/05/20

Résultats du questionnaire sur les répercussions de la crise Covid-19

Chers Confrères,


Avant toutes choses, nous tenons à vous remercier d’avoir été nombreux à répondre au questionnaire relatif aux conséquences de la crise du COVID-19.
 
2.676 confrères ont renvoyé le formulaire, soit près d’un tiers des avocats francophones et germanophones. L’échantillon que nous avons dépouillé est bien représentatif et nous nous en réjouissons.
 
Nous observons une quasi parité entre hommes et femmes (Q01). 65% des répondants ont des enfants, dont la moitié sont autonomes (Q03 et Q04). On peut cependant regretter le nombre limité de stagiaires ayant répondu face aux 88% d’avocats inscrits, essentiellement actifs au sein de petits cabinets ou de cabinets unipersonnels, et exerçant majoritairement en personne physique (Q05, Q08, Q09).
 
Ceci traduit un besoin fort des petites structures de faire valoir leurs difficultés en cette période particulière et nébuleuse. Les résultats de l’enquête confirment cette idée et sont certes peu réjouissants à première lecture.

Une telle analyse est parfois indigeste et nous prenons donc le parti de ne relever que certains points qui nous semblent importants. Nous vous renvoyons aux résultats complets ci-joints pour plus de détails.

Un « scoring » de l’enquête confirme que l’activité des avocats est, pour 70% d’entre eux, partiellement arrêtée, en grande partie de plus de 50%, contre 20% d’avocats maintenant une activité normale (261 confrères ne semblent pas du tout touchés). Vous l’aurez compris : 10% des répondants ont totalement arrêté leur activité. (Q15 et 16)

Des aides sont donc demandées (ou en voie de l’être) par de très nombreux confrères (près de 1.512 interrogés mais 1.164 confrères n’ont pas répondu à la question relative aux demandes d’aide) (voir Q25). C’est le droit passerelle qui sort grand « vainqueur » de ces demandes d’aide (70%). Suivi par les demandes de postposer les paiements de la TVA et des cotisations sociales (30%).
 
Les questions ouvertes nous ont permis de recueillir le mécontentement de plusieurs d’entre vous quant à ce droit passerelle et à son caractère inadapté à notre profession (notamment quant à la difficulté de justifier 7 jours d’arrêt de travail).
 
Beaucoup se sont plaints du manque d’aides fédérales ou régionales, voire ordinales.
 
De nombreuses plaintes sont également formulées quant au manque de clarté et de cohérence dans l’organisation des audiences. A ce propos, nous vous renvoyons bien entendu à notre site AVOCATS.BE qui offre une vue générale des ordonnances, aides et mesures mises en place.
Mais vous le saviez sans doute déjà  puisque plus de 4 sur 5 d’entre vous ont confirmé avoir fait usage du site pour s’informer. Nous vous en remercions et sommes heureux de vous rendre ce service.
 
Vous êtes aussi plus nombreux à avoir utilisé la DPA-Deposit et près d’un quart d’entre vous profite des offres gratuites obtenues auprès des éditeurs juridiques (Q26 à 31).
 
Ces nouvelles sont positives et témoignent de notre solidarité et de notre volonté de travailler ensemble pour traverser cette période.
 
Période complexe encore car plus d’un tiers d’entre vous font appel à du personnel salarié ou des collaborateurs, mais la moitié (voire plus en ce qui concerne les collaborations) a dû prendre des mesures à leur égard. Le chômage économique reste la solution la plus utilisée pour les salariés, tandis que les collaborateurs sont bien moins sollicités.
 
On peut déplorer plusieurs licenciements ou des fins de collaboration que l’on espère temporaires, même si près de 20% de répondants envisage encore de se séparer à l’avenir de salariés ou collaborateurs pour maintenir leur cabinet à flots (Q32 à 41).
 
Mais si l’avocat est souvent contestataire, critique, exigeant ou pointilleux, il est rarement fataliste et développe une véritable faculté d’adaptation même s’il vit une période délicate, psychologiquement aussi (comme nous le rappellent plusieurs d’entre vous).
 
Primesautier, déjà il s’organise. Les plus touchés d’entre vous, soit 33% des répondants, sont en réflexion pour réorganiser leur avenir professionnel. La moitié d’entre eux malheureusement pour nous quitter et s’orienter vers le privé ou le public (Q42 à 45).
 
Réorganisation du cabinet, des infrastructures, pérennisation du télétravail, optimisation de la gestion du temps, activités complémentaires, enseignement, médiations … autant d’idées de confrères rebondissant sur les opportunités qu’ils se créent et sur la réduction du temps de travail.
 
Certains voient cette période de manière plus positive encore. Ils nous disent en profiter pour se ressourcer, réfléchir à notre société, exercer d’autres activités, rattraper le retard accumulé, étudier les langues, chercher la clientèle en diversifiant notamment les services offerts, améliorer leur communication, suivre des formations ou des spécialisations. même si, près de 80% de nos confrères ne désirent pas se réorganiser malgré plus de « temps libre » imposé.
 
Le temps libre… c’est loin d’être malheureusement le lot de chacun. Un très grand nombre nous confie ne pouvoir gérer le travail, les audiences, les délais et ce en présence d’enfants en bas âge. Si le télétravail est entré dans les mœurs et pratiqué par 88% de collaborateurs ou 67% de salariés, la réalité n’est pas si rose, est plus tempérée, et les tâches ménagères, la garde et le suivi scolaire des enfants, mettent à mal le temps parfois récupéré.
 
L’avocat est travailleur, c’est peu de le dire… Beaucoup d’entre vous restent très critiques à l’égard de la procédure écrite, tout en étant malgré tout inquiets des mesures sanitaires à mettre en place dans les salles d’audience. Mais beaucoup sont impatients de retourner travailler, et plaider, et on ne peut qu’applaudir aussi ces passionnés de notre profession de foi.
 
Toutes ces informations nous permettent, chacun, de réfléchir à notre profession, à son avenir, à la solidarité et la confraternité qui doivent la sublimer et dont il faut impérativement rappeler les principes, comme plusieurs nous l’ont fait remarquer.
 

Au-delà des résultats « bruts » de l’enquête, il est utile de procéder à des corrélationsentre ceux-ci pour en tirer des enseignements transversaux. Ainsi nous apprenons que : 

  • Les femmes semblent plus touchées par la crise et notamment lorsque l’activité est partiellement arrêtée. Elles seraient d’ailleurs bien plus enclines à quitter la profession pour un emploi salarié ou public.
  • La présence d’enfants devant être gardés influe clairement sur une réduction de l’activité.
  • Les confrères entre 30 et 40 ans semblent plus disposés à quitter la profession. Ils sont aussi plus touchés par une réduction de travail.
  • Les confrères rassemblant une clientèle de particuliers ou d’aide juridique sont bien plus touchés que ceux travaillant pour des entreprises ou disposant de mandats judiciaires.
  • Les petites structures sont plus fortement touchées, tant au niveau général de leur activité que de la proportion mesurée de leur réduction d’activité.
  • Ces petites structures sont les plus prêtes à revoir leur avenir professionnel, et en leur sein, les associés plutôt que les collaborateurs. Les structures à la clientèle de particuliers de même.

Vous trouverez ici pour la question 15 et ici pour les questions 42 et 43, les graphiques qui mettent ces différents éléments en évidence.
 
Les résultats de cette enquête nous permettront de faire valoir le poids de notre profession à l’égard des politiques et de mieux exercer le lobbying adéquat. Ils permettront également de prendre toutes les mesures possibles pour répondre, dès maintenant, et surtout à l’avenir, aux besoins de nos confrères, à leurs attentes et questionnements.
 
Quantité d’entre vous ont estimé ne pouvoir à ce stade évaluer objectivement l’impact de la crise sur leur activité. D’aucuns nous ont reproché d’avoir agi trop tard mais il ressort de vos réponses qu’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de la situation extraordinaire (au sens premier du terme) que nous vivons actuellement. Une enquête complémentaire d’ici quelques mois n’est donc pas à exclure.
 
Nombreux sont aussi ceux qui nous ont dit vouloir faire quelque chose mais ne pas savoir quoi… Dans tous les cas, nous restons toujours à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, ou toute aide possible.
 
Nous désirons aussi remercier le très grand nombre d’entre vous qui a pris le temps, dans la dernière question ouverte, de nous remercier chaleureusement, de bien des manières. Et remercier aussi ceux qui ont, malgré la gravité du thème, offert un peu d’humour dans leurs réponses. A ce propos, nous souhaitons déjà bonne chance à celles et ceux qui ont entamé des études de médecine, de décoration intérieure, qui ont pratiqué l’hypnothérapie, qui dorment, partent à l’étranger, entrent en politique ou deviennent écrivain.
 
Tous nos vœux de réussite à eux, et à vous tous évidement.
 
Courage, prenez soin de vous, de vos proches et de vos projets.

Stéphane Gothot et Jean-Joris Schmidt
Administrateurs

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