09/11/17

Le mot du Président du 9/11 - Notre pétrole, c'est l'humain

Mes chers confrères,
 
Le Ministre de la Justice a confié à Maîtres Patrick Henry et Patrick Hofströssler le soin de préparer un rapport sur la modernisation de la profession d’avocat.
 
Nous sommes étrangers à cette initiative et au choix des experts. Plusieurs débats publics ont déjà eu lieu : à Courrière, lors des Universités d’été à la fin du mois d’août, à Mons, dans le cadre du site « Justice en vérités », il y a quelques semaines.
 
Le 16 novembre 2017, nous organiserons avec l’O.V.B. un débat avec l’ensemble des bâtonniers et des jeunes barreaux du nord et du sud du pays.
 
Plusieurs barreaux vous ont sollicité pour formuler des propositions. Une pétition circule sur les réseaux sociaux…
 
Nous avons demandé au Ministre de la Justice de nous communiquer le rapport qui lui sera remis en fin d’année, afin d’avoir le temps de l’examiner et d’en débattre de manière approfondie au sein de toutes les instances de la profession.
 

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Il y a quelques jours, j’assistais à la 7ème édition de la Convention nationale des barreaux organisée par le CNB, à Bordeaux.
 
Le thème était : « Economie, numérique & territoires : les nouvelles stratégies pour l’avocat. » L’événement rassemblait plus de 6.000 avocats et une centaine d’orateurs.
 
Le numérique était partout, dans tous les stands, dans les ateliers, au village des incubateurs, en filigrane de toutes les interventions. Signe d’une incroyable évolution, on ne comptait pas moins de dix représentants de la Legal tech au sein du salon qui jouxtait le congrès.
 
Dans son discours, le Premier Ministre Edouard Philippe a pointé la difficulté de la transition numérique : « Le thème de la Convention nationale montre que le barreau a saisi les enjeux du numérique et vous savez, vous l’avez dit, que cette transformation vient bousculer l’organisation traditionnelle de votre profession, elle peut venir bousculer son financement, ses règles de déontologie ».
 
David Wilkins, professeur en droit à Harvard, parlait des changements structurels de la profession. C’est l’un des plus grands spécialistes américains de notre profession et de son évolution.
 
Les avocats connaissent leur révolution industrielle.
 
Les clients sont plus sophistiqués, plus exigeants qu’avant et surtout mieux informés. Google est notre concurrent et une source d’informations incontournable. Les clients se renseignent, consultent nos sites et regardent les notations des avocats, lorsqu’elles existent.
 
Les clients veulent qu’on leur facture non plus les coûts de production liés au Time Sheet mais la valeur qu’on leur apporte. On ne peut plus facturer le prix d’un vase Ming peint à la main. Les clients ne veulent plus de consultation alambiquée. Ils veulent des réponses simples dans des délais rapides. La clé de notre avenir est de savoir servir les clients de la façon dont ils le souhaitent, nous a-t-il exposé.
 
Au-delà du numérique, de la dématérialisation, des Legal tech, de l’intelligence artificielle, le droit est basé sur le capital humain. Nos clients ont besoin plus que jamais d’écoute, d’empathie, de connaissance globale. Notre actif premier, notre pétrole, c’est l’humain.
 
L’avocat restera toujours un acteur clé dans la société numérique, détenteur et défenseur du secret professionnel. Le talent du professionnel gagnera toujours la guerre.
 
La culture du talent et de l’excellence, celle de l’innovation doit être au cœur de notre action. Ne faut-il pas en permanence réfléchir à apporter de la valeur au fur et à mesure de l’avancement des dossiers et de l’accompagnement du client ? Pas uniquement à la fin de la conclusion d’un contrat, d’un divorce ou d’un procès. Mais tout au long de la relation avec les clients. En essayant de rebondir, en tirant régulièrement des enseignements et des conseils judicieux pour les clients, en suggérant des adaptations de leurs pratiques, de leur comportement et de leur documentation, en cours de dossier, en communiquant mieux avec eux, en étant plus prévisible et plus imaginatif en termes de facturation.
 
Et puis l’avocat n’oublie pas qu’il défend par nature les vulnérables, ceux qui ont des difficultés avec les autorités. Et je pensais à ces mineurs isolés non accompagnés en danger à ceux-là qui sont détenus dans les centres fermés avec des adultes de manière indigne. Et je pensais à ceux qui sont poursuivis et condamnés pour fraude sociale commise parfois par erreur. La dignité des justiciables et des personnes ne devrait-elle pas être garantie ? La dignité n’exige-t-elle pas que ces personnes ne soient pas privées de tout revenu ?
 
Notre profession gardera toujours un côté artisanal. C’est la seule manière de remettre de l’émotionnel dans nos vies. Nous avons besoin culturellement de cette intégrité émotionnelle.

 
Votre dévoué,

JEAN-PIERRE BUYLE  PRÉSIDENT

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