10/01/17

Journée de l’avocat en danger

Le 24 janvier 2017 aura lieu la 7e journée de l’avocat en danger.

Cet évènement est organisé chaque année en mémoire du massacre d’Atocha au cours duquel, en Espagne le 24 janvier 1977, en pleine transition démocratique, quatre avocats et leur assistante ont été assassinés par un groupe néofasciste.

La journée de l’avocat en danger a pour but de rappeler que dans de nombreux pays les droits de la défense ne sont pas garantis et l’exercice de la profession d’avocat est une activité à hauts risques. Arrestations, menaces, disparitions, détentions, tortures, assassinats y sont monnaie courante.

Le droit pour les avocats de défendre sereinement leurs clients est un droit fondamental qui doit constamment être rappelé et défendu. C’est pourquoi, tous les ans, le 24 janvier, des avocats se rassemblent dans le monde entier, devant les ambassades d’un pays désigné en raison de la répression dont sont victimes les avocats sur son territoire.

Après la Turquie, l’Iran, le Pays Basque, la Colombie, les Philippines et le Honduras, c’est la République populaire de Chine qui est pointée du doigt cette année.

La situation des avocats en Chine a toujours été précaire, les intimidations et la répression font partie de leur quotidien, mais la situation s’était sensiblement améliorée au cours des années 2000.

Un véritable réseau professionnel d’entraide s’était constitué de manière informelle autour de quelques grandes figures emblématiques du barreau permettant aux quelques 700 avocats spécialisés dans la défense des dossiers sensibles et des droits humains de s’organiser et d’acquérir plus de visibilité et dès lors de force et d’indépendance.

Des cabinets spécialisés avaient même vu le jour, dont le fameux cabinet Fengrui réunissant une centaine d’avocats des droits humains à Pékin.

Cet « état de grâce » relatif a volé en éclat le 9 juillet 2015. Ce jour-là, l’avocate Wang Yu, son mari et leur fils de 16 ans, ont été arrêtés et placés en détention. Dans les semaines qui ont suivi, plus de 300 avocats et juristes militants ont été arrêtés, interrogés, perquisitionnés, menacés ou détenus par la sureté de l’Etat.

Beaucoup ont été relâchés mais, à l’heure actuelle, plus d’une vingtaine sont toujours détenus sans procès, portés disparus, ou placés en résidence surveillés, accusés d’atteinte à la sureté de l’Etat. Ce chef d’accusation permet à la police de les retenir sans procès ni accès à un avocat ou à leurs proches pendant une période de six mois...

De nouveaux confrères disparaissent chaque mois.

Ainsi, l’avocate Wang Yu et son assistante, Zaho Wei, une jeune juriste de 24 ans, ont disparu en juillet dernier, juste après l’annonce de leur libération qui a été précédée comme souvent, d’une séance publique d’auto accusation.

Le 4 août 2016, Zhou Shifeng, fondateur et directeur du cabinet Fengrui a été condamné à 7 ans de prison à l’issue d’un procès expéditif. Le cabinet a été fermé et plusieurs de ses membres restent détenus dans l’attente d’un procès. 

Le 21 novembre 2016, un autre confrère, Jang Tianyong, a disparu. On ignore toujours où il se trouve mais les autorités ont confirmé très récemment son arrestation. Accusé d’avoir divulgué des secrets d’Etat à l’étranger, il n’a toujours pas eu accès à un avocat et ses proches craignent qu’il soit torturé. Plusieurs cas de torture ont en effet été dénoncés.

Ces confrères dont nous ne connaissons même pas toujours les noms, ne sont que quelques-unes des victimes de la répression sévère conduite par Pékin depuis le 9 juillet 2015, aussi appelé « 709 crackdown ».

Kit Chan, de l’ONG China Human Rights Lawyers concern Group (CHRLCG), était à Bruxelles le 23 novembre à l’invitation de l’AED et de l’Institut des Droits de l’Homme, pour participer à une réunion de réflexion avec les principales associations européennes d’avocats participants à la Journée de l’avocat en danger.

Elle a décrit une situation extrêmement préoccupante en raison du nombre d’avocats menacés, et arrêtés mais aussi parce que cette campagne de répression s’accompagne de nouvelles mesures administratives et législatives qui renforcent encore l’emprise du parti communiste sur les cabinets d’avocats.

Déjà soumis à une surveillance sévère et contraints de subir chaque année l’inspection du « bureau judiciaire » pour obtenir le renouvellement de leur carte professionnelle, les avocats ont désormais l’obligation, depuis le 1er novembre, de « soutenir le leadership du parti communiste chinois » et de créer des représentations du Parti en leur sein. Il leur est également interdit de parler à la presse ou de commenter en public leurs affaires ou celles de confrères, de lancer des pétitions, d’utiliser internet et de s’organiser en groupe...

La Chine qui prétend constituer un membre à part entière de la communauté internationale et vient d’être admise au rang d’économie de marché, doit arrêter de persécuter les avocats.

C’est pourquoi, plusieurs associations d’avocats telles que l’A.E.D. (Avocats européens démocrates), le Syndicat des avocats pour la démocratie (S.A.D - www//lesad.be), l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, AVOCATS.BE, le C.C.B.E, l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens (I.D.H.A.E.)..., appellent l’ensemble des barreaux et des avocats à se mobiliser pour leurs confrères chinois.

Une manifestation d’avocats en robe est prévue le 24 janvier 2017 à 13h00 devant l’ambassade de la République populaire de Chine, Avenue de Tervueren, 443-445 à 1150 Woluwé-Saint-Pierre.

Un rassemblement identique se tiendra au même moment dans de nombreuses villes et capitales étrangères.

Soyons très nombreux le 24 janvier, devant l’ambassade, pour soutenir nos confrères chinois !

Florence de la Pradelle, Avocate au barreau de Bruxelles 

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