15/02/12

2011 : toutes voiles vers la transparence

L'année 2011 marque un tournant dans l'histoire de la fiscalité belge avec l'avènement de trois mesures totalement nouvelles et allant vers une transparence accrue du contribuable : la levée du secret bancaire, la création du "Point de contact central" et l'avènement d'une communication automatique des données bancaires.

Ces trois mesures sont autant d'outils qui préparent une refonte totale de la fiscalité mobilière en Belgique, et font écho aux mesures fiscales prises avec la loi du 28 décembre 2011 qui ont essentiellement résulté dans un alourdissement de la fiscalité existante (i.e. hausse du calcul des avantages de toute nature, hausse du précompte mobilier, diminution des intérêts notionnels, etc.).

Beaucoup ont été soulagés de constater que la réforme fiscale ne retenait plus, comme proposé dans la Note Di Rupo du 4 juillet 2011, ni la taxation sur les plus-values sur actions, ni l'idée d'un impôt sur la fortune. C'est toutefois omettre que, de même que l'on ne part pas à la guerre la fleur au fusil, de tels impôts nécessitent de mettre en place de nouveaux outils. Et ces outils ont partiellement été mis en place en 2011 !

La levée du secret bancaire

On disait le secret bancaire moribond alors qu'il existait encore. Avec la loi du 1er avril 2011, le secret bancaire n'existe théoriquement plus, vu que désormais l'administration peut, moyennant le respect d'une procédure particulière, obtenir les informations bancaires en excipant simplement de vouloir taxer le contribuable sur signes et indices.

Cette première mesure a été accompagnée de l'introduction d'un article 322, § 3, du Code des impôts sur les revenus (CIR), qui met à charge des banques l'obligation "de communiquer les données suivantes à un point de contact central tenu par la Banque Nationale de Belgique : l'identité des clients et les numéros de leurs comptes et contrats."

Avec cette disposition apparaît donc le "Point de contact central" (PCC), dont nous reparlerons ci-après.

La communication de données bancaires

La seconde mesure, adoptée avec la loi du 28 décembre 2011 dans le cadre de l'effort budgétaire, prévoit que ledit PCC reçoive des "redevables du précompte mobilier" (not. les banques et les sociétés distribuant de tels revenus) "les informations relatives aux dividendes et intérêts (...) en identifiant les bénéficiaires des revenus" (nouvel article 174/1, § 2, du CIR).

Cette communication forme le principe de base coulé dans la loi. Pour l'heure, la loi prévoit un tempérament, à savoir que les contribuables peuvent "opter" pour la retenue d'une cotisation supplémentaire de 4 % (en plus du précompte mobilier habituel) sur "des revenus mobiliers", ensuite de quoi "le montant" de "ces" revenus n'est pas communiqué au PCC et les contribuables n'ont pas l'obligation de déclarer ces revenus dans leur déclaration annuelle à l'impôt des personnes physiques. Le texte de la loi n'est pas clair (ou ne l'est que trop) de sorte que l'on peut s'interroger sur une communication de données, même en cas d'option pour la cotisation supplémentaire de 4 % ou sur des revenus à laquelle cette cotisation n'est en principe jamais applicable. Pour les contribuables qui "n'optent pas", la communication a lieu et ils devront déclarer leurs revenus mobiliers dans leur déclaration fiscale annuelle.

En d'autres termes et sans véritable débat public sur ce point, ce système renverse complètement le système traditionnel où les contribuables ne devaient pas déclarer leurs revenus mobiliers.

Par ailleurs, il est prévu que le PCC communique les informations sur demande de l'administration, et systématiquement en ce qui concerne les contribuables dont les revenus mobiliers excédent le seuil de 20.020 EUR..

Le Point de contact central

Ce Point de contact central rassemblera les données qui lui parviendront des sources déjà citées et celles-ci seront disponibles, conformément aux dispositions légales, à l'administration fiscale. A l'avenir, d'autres sources d'informations pourraient venir s'ajouter.

A cet égard, on notera que, dans un contexte international, les Etats œuvrent au renforcement de leurs traités en vue de permettre des échanges de renseignements plus efficaces, parfois systématiques, et, notamment, sans refus permis sur base d'un quelconque secret bancaire. C'est notamment dans ce but que la Belgique s'est attelée à lever son secret bancaire.

Si les textes actuels prévoient que le PCC sera logé auprès de la Banque Nationale Belge, des discussions sont en cours quant à son intégration directe au sein du SPF Finance directement.

Entre parler du "Point contact central" et d'un cadastre des fortunes, il n'y a qu'un pas.

Rappel : la transparence de l'Etat

Après avoir décrit ces nouveautés et vu qu'on parle de transparence, il nous paraît essentiel de rappeler que celle-ci constitue avant tout un devoir pour l'autorité elle-même.

Pour faire face à la bureaucratisation croissante des administrations et en vue de préserver le caractère démocratique de nos sociétés, il a été consacré à tout citoyen un droit d'accès à tout «document administratif» et, sous réserve d'y avoir un intérêt, à tout «document à caractère personnel », ce qui inclut le dossier fiscal (voy. la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration ; art. 32 de la Constitution).

C'est ainsi que l'administration ne pourra refuser la consultation de ses documents que si elle peut constater que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de certains intérêts listés dans la loi, à savoir notamment la recherche et la poursuite de faits punissables, ou un intérêt économique ou financier fédéral.

En matière fiscale, le Conseil d'État a déjà confirmé à plusieurs reprises que, si une balance peut exister entre l'intérêt de la publicité et les besoins de la lutte contre la fraude, l'administration ne peut soupçonner a priori d'intentions frauduleuses un contribuable qui s'inquiète des motifs pour lesquels l'administration investigue à son sujet. Par exemple, le Conseil d'État a récemment considéré dans un arrêt du 13 septembre 2011 que "l'impossibilité pour un contribuable d'évaluer sa situation fiscale en connaissance de cause, faute d'accès à l'intégralité de son dossier administratif, (...) constitue un préjudice qui concerne l'essence même de la méconnaissance de la finalité du droit d'accès aux documents administratifs, protégé par la Constitution."

Refonte de la fiscalité mobilière

Qu'on l'approuve ou non, les usages actuels sont à la transparence. Cette tendance se matérialise dans la vie au quotidien et on constate chaque jour combien les évolutions technologiques permettent d'y donner vie - pointons simplement la numérisation des rues du monde entier.

Sans surprises, l'administration fiscale suit pleinement l'air du temps et a, durant l'année 2011, pris de nombreuses dispositions en ce sens.

Nous avons voulu revenir sur ces quelques mesures prises au cours de 2011 pour les mettre en évidence et en montrer la portée. Ce faisant, l'intérêt n'était pas uniquement d'en décrire le régime actuel, mais, surtout, d'avertir qu'au-delà du simple alourdissement de la fiscalité sur les revenus mobiliers, c'est toute une refonte de cette fiscalité qui s'annonce.

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